Logement abordable : Le projet de loi annoncé et la situation à Montpellier
SOMMAIRE
- Les 4 grands objectifs du projet de loi pour le logement abordable
- Les mesures clés à l’échelle nationale
- Assouplissement de la loi SRU
- Durcissement des plafonds de ressources
- Pouvoirs accrus pour les maires
- Simplifications administratives
- Stimulation de l'investissement
- Quel impact attendu pour ce projet de loi ?
- Logement abordable à Montpellier : Développer l’offre et faciliter l’accession
- Les aides à l’accession à Montpellier
- Altémed et les promoteurs charbonnent pour développer l’offre
La crise du logement qui sévit en France depuis deux ans a entraîné une diminution importante des constructions neuves et une hausse continue des prix de l’immobilier et des taux de crédit, rendant l'accès à la propriété de plus en plus difficile pour une majorité de Français. En réponse à cette situation critique, marquée par une chute de 23 % des mises en chantier sur un an et un niveau historiquement bas des permis de construire, le gouvernement a dévoilé un projet de loi visant à stimuler l'offre de logements abordables.
Ce texte, présenté par le ministre du Logement Guillaume Kasbarian, cherche à provoquer un "choc de l'offre" à travers une série de mesures concrètes. L'objectif est clair : développer l'offre locative abordable, faciliter l'accès à la propriété et améliorer la mobilité au sein du parc social. Nous verrons ici les objectifs, les mesures et l'impact attendu de ce projet de loi, et ferons un focus sur Montpellier et les dernières solutions proposées localement pour relancer la construction de logements neufs.
Les 4 grands objectifs du projet de loi pour le logement abordable
Le vendredi 3 mai 2024, le ministre délégué chargé du Logement Guillaume Kasbarian a présenté un projet de loi sur le logement abordable dans le but de répondre à plusieurs enjeux essentiels exacerbés par une conjoncture économique et sociale difficile. Les objectifs sont définis pour répondre à l'urgence et à la complexité de la situation actuelle.
Ce projet de loi s’articule autour de 4 grands objectifs qui permettront de développer l’offre de logements abordables en France :
- Offrir de nouveaux outils aux élus qui veulent construire : Soutenir les maires “bâtisseurs” pour qu’ils puissent mener à bien plus de projets immobiliers sur leur territoire communal.
- Simplifier les procédures administratives pour construire plus vite : La réduction des délais, notamment pour des formalités administratives souvent longues, est un point important pour accélérer la construction
- Libérer l’investissement dans le logement abordable : Faire en sorte d’augmenter la production des bailleurs sociaux en assouplissant certaines conditions (revente, révision des loyers...)
- Faciliter l’accès au logement des français : Favoriser la mobilité dans le logement social en tenant compte des évolutions de revenus ou en étendant le bail mobilité.
Les mesures clés à l’échelle nationale
Assouplissement de la loi SRU
L'une des mesures les plus significatives proposées est l'assouplissement de la loi SRU (Solidarité et Renouvellement Urbain), qui impose aux communes de maintenir un quota de 20 à 25 % de logements sociaux. Le nouveau projet de loi prévoit une modification permettant aux communes de comptabiliser une partie des logements dits "intermédiaires" (LLI) dans ce quota. Ces logements, destinés à la classe moyenne, seront proposés à des loyers inférieurs de 10 à 15 % par rapport au marché, offrant ainsi une nouvelle solution d'habitat abordable.
Cette mesure assez controversée est opposée notamment par l’Association des Maires de France (AMF) ou encore l’Union Sociale pour l’Habitat (USH), qui pressentent un déséquilibrage du marché en défaveur des plus démunis et une favorisation des maires qui jusqu’alors ne respectaient pas les quotas de logements sociaux dans leurs communes.
Durcissement des plafonds de ressources
Le projet renforce également la rigueur des conditions d'accès au logement social, en abaissant le seuil de non-reconduction des baux à 20 % de dépassement des revenus maximums autorisés sur deux ans, contre 50 % auparavant. Cette mesure vise à assurer que les logements sociaux bénéficient réellement aux personnes en situation de précarité.
”Le logement social à vie n’existe pas. Si votre situation a évolué, que vous gagnez mieux votre vie ou que vous avez hérité d’un bien équivalent, il est normal que vous laissiez votre place à ceux qui en ont plus besoin. C’est une question de justice sociale.”
Guillaume Kasbarian, Ministre délégué auprès du ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, chargé du Logement
Pouvoirs accrus pour les maires
En outre, le projet de loi souhaite redonner du pouvoir aux maires en matière de gestion des attributions de logements sociaux. Les maires pourront ainsi avoir un droit de veto sur l'attribution des logements neufs et pourront également être délégués par le préfet pour gérer tout ou partie des contingents de réservation de logements.
Ceux-ci pourront également autoriser ou non la vente directe aux locataires d’un logement social, et ce sans la nécessité d’une autorisation préfectorale. Cette mesure devrait permettre de mieux répondre aux besoins identifiés localement et pousser les maires à s’impliquer davantage dans le processus de construction de logements abordables.
Les maires disposeront également d’un droit de préemption sur le foncier, dans le but de garder un certain contrôle sur celui-ci pour que les prix ne s’envolent pas.
Simplifications administratives
Dans la promotion immobilière, il est souvent long et fastidieux d’obtenir un permis de construire, et le temps c’est de l’argent. Pour accélérer la construction de nouveaux logements, le texte propose de réduire les délais de recours pour les permis de construire de six mois à deux mois. Cette simplification administrative devrait permettre une mise en chantier plus rapide des projets immobiliers, ainsi qu’une réduction des coûts (estimée à environ 3% du coût total de l’opération selon le ministre du Logement).
Stimulation de l'investissement
Le projet de loi cherche aussi à stimuler l’investissement locatif dans le logement social et intermédiaire en renforçant les capacités financières des bailleurs sociaux et en encourageant les montages public-privé. Ces initiatives visent à augmenter significativement la production de logements abordables, et pas qu’un peu : on parle ici de doubler la production des bailleurs sociaux.
Quel impact attendu pour ce projet de loi ?
Alors que le gouvernement fait part de son intention claire d’une transformation profonde à travers ce texte législatif, les effets attendus s'étendent de l'amélioration quantitative de l'offre de logements à des implications plus qualitatives sur la mobilité et la justice sociale.
En premier lieu, le projet de loi est bien sûr censé booster l'offre de logements de manière non négligeable. Par les mesures citées plus haut, telles que la simplification des procédures administratives et l'assouplissement de la loi SRU, le gouvernement espère réduire les obstacles à la construction et ainsi relancer une production régulière et soutenue.
L'augmentation du nombre de logements construits chaque année devrait, selon les prévisions, aider à stabiliser voire à réduire les prix sur le marché du logement. Cette augmentation de l'offre vise notamment les zones où la tension immobilière est la plus forte, en ciblant les besoins spécifiques des populations locales.
Les mesures prévues devraient permettre à un plus grand nombre de ménages aux revenus moyens et modestes d'accéder à la propriété, un aspect fondamental pour assurer la stabilité financière et sociale des familles. L'augmentation du nombre de logements locatifs intermédiaires (LLI), les ajustements des plafonds de ressources, tout cela couplé aux différentes aides à l’accession abordable (PTZ, PAS, PSLA ...) traduit d’une volonté de créer des passerelles vers la propriété pour ceux qui en étaient auparavant exclus.
En ajustant les critères d'attribution et en renforçant les exigences de revenus pour le maintien dans ces logements, le texte législatif espère encourager une rotation plus fréquente, libérant des espaces pour les nouveaux demandeurs et assurant que les ressources sont allouées de manière plus équitable. Cette mobilité accrue est essentielle pour éviter la stagnation et la ghettoïsation des logements sociaux, favorisant ainsi une meilleure intégration sociale et urbaine.
Malgré les intentions positives, le projet de loi a suscité des critiques et des inquiétudes de divers secteurs. Les associations de locataires et certains acteurs du logement (CNH, USH, AMF...) expriment des doutes sur l'efficacité des mesures à répondre à l'ampleur de la crise. Ils pointent du doigt le risque que ces mesures, bien que bien intentionnées, n'atteignent pas suffisamment rapidement les populations en besoin urgent de logements abordables. De plus, il y a une préoccupation que l'accent mis sur le logement intermédiaire pourrait détourner l'attention et les ressources des logements sociaux traditionnels, nécessaires pour les plus défavorisés.
Logement abordable à Montpellier : Développer l’offre et faciliter l’accession
Comme dans la plupart des métropoles françaises, le logement neuf à Montpellier se retrouve confronté à des défis uniques. Les mesures nationales du projet de loi sur le logement abordable interagiront avec des initiatives locales spécifiques pour tenter de former une réponse complète aux besoins des habitants de la région.
Les aides à l’accession à Montpellier
Plusieurs dispositifs sont mis en place à Montpellier pour encourager et faciliter l’accession à la propriété, un besoin fondamental pour la plupart des français. Ces aides sont généralement réservés aux primo-accédants (premier achat immobilier à destination de résidence principale), soumises à une condition de ressources et réservées aux projets d’achat d’un logement neuf.
- L’Accession Abordable ou Accession Aidée : La ville de Montpellier propose aux promoteurs immobiliers de leur vendre des terrains à prix avantageux (en-dessous de la moyenne du marché), à condition que les biens immobiliers construits sur ces terrains soient eux aussi proposés à la vente à des prix plafonnés, très inférieurs aux prix du marché (environ 3000€/m² au lieu de +5000€). Ces logements sont généralement situés dans des Zones d’Aménagement Concerté (ZAC) ou dans des zones ANRU.
- Le Prêt à Taux Zéro (PTZ) : Le PTZ est un prêt à 0% d’intérêt qui permet de financer jusqu’à 50% de son projet immobilier. Aussi soumis à condition de ressources, le PTZ facilite l’achat de la première résidence principale en réduisant fortement le coût total du crédit. Le PTZ fonctionne en complément d’un prêt classique.
- Le Prêt accession Action Logement (PAL) : Pour l’achat d’un logement neuf, en VEFA ou ancien en HLM, toujours sous condition de ressources, il est possible de faire une demande de PAL. Ce prêt à taux réduit à 1% peut financer jusqu’à 30 000€ sur une opération immobilière.
- Le Prêt Accession Sociale (PAS) : Ce prêt destiné aux revenus modestes permet de financer jusqu’à 100% du coût total du projet immobilier, de bénéficier de frais de notaires réduits et de taxes incluses dans le coût total. Il est cumulable avec les autres aides (PTZ, PAL...) et fonctionne pour l’achat ou la construction d’un logement neuf, ainsi que pour un logement ancien avec possibilité de financer des travaux.
Altémed et les promoteurs charbonnent pour développer l’offre
Les mesures introduites par le projet de loi national, telles que l'assouplissement de la loi SRU et l'augmentation des pouvoirs attribués aux maires, vont nécessairement impacter le marché de Montpellier, où 72% de la population est éligible au logement social. Ces pouvoirs accrus devraient permettre une gestion plus directe et adaptée des ressources de logement, mais cela suffira-t-il à répondre aux besoins locaux ?
Comprenant les enjeux et l’urgence de la situation, Altémed, l'aménageur public de Montpellier, et les promoteurs ont ouvert un dialogue sur le sujet en vue de sauver les opérations de logements. Ils ont ainsi négocié des arrangements comme la "clause de retour à meilleure fortune" (ou clause d’intéressement), qui permet de partager les bénéfices en cas d'amélioration des conditions de marché, assurant ainsi une flexibilité et une viabilité financière pour les projets de développement.
« Tout le monde rogne sur tout et à tous les niveaux - foncier, frais d'études, coûts travaux, frais financiers, etc. - mais nos bilans sont respectés sur la base d'une marge normale entre 5 et 7%. On s'est inscrit dans cette démarche car on y croit. On est tous dans la même barque : il faut sauver les opérations immobilières... Mais derrière, il faudra que le gouvernement donne une vision et redonne confiance. Il ne faut pas opposer acheteurs-occupants et investisseurs, qui n'est pas un gros mot ! »
Laurent Villaret, Président de la FPI Occitanie-Méditerranée
Michaël Delafosse, maire de Montpellier et président de la métropole, annonçait déjà début 2022 un choc de l’offre pour relancer le secteur immobilier local, et s’est tenu à ses engagements puisque 2 ans plus tard, ce sont près de 8000 logements neufs qui sont sortis de terre ou en construction. Or, depuis la flambée des taux sur cette dernière année et le blocage de nombreux dossiers de prêts par les banques, de nombreux lots se retrouvent bloqués et non-finançables car trop peu de réservations. Heureusement Altémed a réussi à contourner cette impasse en proposant de faire du logement intermédiaire.
« Une des solutions a été la vente en bloc auprès de CDC Habitat ou Action Logement pour faire du logement intermédiaire, ce qui a débloqué les trois quarts des opérations. Nous avons regardé tous les bilans dans le détail (typologie des logements, façade, maîtrise d'œuvre, prix de construction, etc.) et tous les leviers à actionner pour reconstituer la marge promoteur, avec une conclusion : tout le monde doit faire des efforts, y compris nous, aménageur public. »
Cédric Grail, directeur général d’Altémed
Commentaires à propos de cet article :
Ajouter un commentaire