Rénovation énergétique des copropriétés : Valérie Létard veut accélérer les choses
SOMMAIRE
- Rénover le parc privé, une priorité urgente
- Un parc immobilier ancien et énergivore
- Une ambition nationale freinée par le terrain
- Une urgence autant sociale que climatique
- Comment accélérer la rénovation énergétique des copropriétés sur le territoire ?
- Une réunion ministérielle pour mobiliser le secteur
- Une proposition de loi pour lever les verrous ?
- Montrouge, vitrine d’un projet exemplaire
- Les leviers financiers et techniques envisagés
- Déploiement du prêt collectif : un outil à démocratiser
- Le contrat de performance énergétique : garantir les résultats
- Une optimisation des dispositifs d’aide ciblée
- Ce qu'en disent les acteurs du secteur
- Les propositions de la Fedene : un plan d’action structuré
- Mobiliser les professionnels de l’immobilier : un levier capital
- Mission « Banque de la rénovation » : des annonces attendues pour l’été
Jeudi 22 mai 2025, la ministre du Logement Valérie Létard a réuni à Montrouge un panel d’acteurs du logement et de la rénovation énergétique pour faire le point sur un dossier devenu charnière : l’état énergétique du parc de copropriétés en France. Face à un rythme de rénovation bien inférieur aux objectifs climatiques nationaux, le gouvernement entend accélérer les choses, en misant sur de nouveaux outils de financement, des aides ciblées et une coordination renforcée entre les parties prenantes.
Une mobilisation politique qui intervient en réponse à l'urgence énergétique et sociale, alors que la précarité énergétique touche toujours plus de ménages, et que les passoires thermiques sont interdites de location depuis le début de l'année.
Rénover le parc privé, une priorité urgente
Un parc immobilier ancien et énergivore
Le parc immobilier français est à la fois vaste et vieillissant. Sur les quelque 37 millions de logements recensés en France, environ 11 millions sont en copropriété, soit près d’un tiers du parc résidentiel. Une majorité de ces immeubles collectifs ont été construits avant la mise en place des premières réglementations thermiques dans les années 1970.
De fait, même si les programmes immobiliers neufs respectent des normes environnementales strictes, de nombreuses copropriétés anciennes affichent aujourd’hui des performances énergétiques médiocres, avec des bâtiments souvent mal isolés et équipés de systèmes de chauffage peu efficaces voire terriblement obsolètes.
Selon les données issues de l’Agence nationale de l’habitat (Anah), environ 15 % des copropriétés sont classées F ou G sur le diagnostic de performance énergétique (DPE), c’est-à-dire parmi les plus énergivores. Ces bâtiments, souvent qualifiés de "passoires thermiques", nécessitent des travaux lourds pour atteindre une efficacité énergétique acceptable. L’ampleur du chantier est d’autant plus importante que ces logements concernent plusieurs millions de Français.
Outre les pertes énergétiques, cette situation engendre des coûts élevés pour les occupants : les charges de chauffage et d’entretien sont plus importantes dans ces bâtiments anciens, et les résidents se retrouvent souvent contraints de limiter leur consommation pour contenir leurs factures, au détriment de leur confort thermique.
À cela s’ajoutent les obligations réglementaires croissantes, notamment l’interdiction progressive de mise en location des passoires thermiques : les étiquettes G sont déjà interdites depuis le 1er janvier 2025, les F sont prévues pour 2028 et les E en 2034.
Une ambition nationale freinée par le terrain
Un tel constat a poussé la France à se fixer des objectifs ambitieux. La Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) prévoit la rénovation énergétique de 200 000 logements collectifs par an d’ici à 2030. Mais dans les faits, le rythme actuel est bien en-deçà. Selon un bilan publié par l’Anah en 2024, à peine 50 000 logements en copropriété sont rénovés chaque année à un niveau performant, soit un quart de l’objectif fixé.
Plusieurs freins structurels expliquent cet écart :
- Les décisions en copropriété doivent faire l’objet d’un vote en assemblée générale, avec des règles de majorité qui complexifient l’approbation de travaux coûteux.
- Les copropriétaires sont souvent confrontés à des difficultés de financement, notamment lorsqu’il s’agit de ménages modestes ou de retraités disposant de peu de liquidités.
- L’offre d’accompagnement reste limitée et peu lisible pour les syndics et les conseils syndicaux.
La massification de la rénovation énergétique des copropriétés constitue donc un défi de gouvernance autant que de financement. Si les aides publiques existent – notamment via MaPrimeRénov’ Copropriétés ou les Certificats d’économies d’énergie (CEE) – elles peinent à enclencher une dynamique collective à grande échelle.

Une urgence autant sociale que climatique
La précarité énergétique touche aujourd’hui plus de 12 millions de personnes en France, selon l’Observatoire national de la précarité énergétique (ONPE). Les logements mal isolés sont l’un des premiers facteurs de cette vulnérabilité. Dans les copropriétés les plus dégradées, il n’est pas rare que les occupants soient contraints de se chauffer de manière discontinue, avec des effets sur la santé, notamment chez les personnes âgées ou les jeunes enfants.
En outre, le secteur du bâtiment représente à lui seul 47 % de la consommation énergétique nationale et près de 25 % des émissions de gaz à effet de serre, selon le ministère de la Transition écologique. La rénovation énergétique représente donc un levier substantiel pour atteindre les objectifs climatiques de la France, tels qu'inscrits dans la Stratégie nationale bas carbone (SNBC).
Dès lors, la rénovation des copropriétés ne peut plus être vue comme une simple amélioration de confort ou de valeur patrimoniale : elle devient un impératif d’intérêt général, à la croisée des enjeux sociaux, économiques et environnementaux.
Comment accélérer la rénovation énergétique des copropriétés sur le territoire ?
Une réunion ministérielle pour mobiliser le secteur
Le jeudi 22 mai 2025, la ministre du Logement, Valérie Létard, a réuni à Montrouge l’ensemble des acteurs concernés par la rénovation énergétique des copropriétés : représentants de banques, assureurs, syndics de copropriété, opérateurs de rénovation, experts techniques et élus locaux.
L’objectif de cette rencontre était de dresser un état des lieux des obstacles rencontrés sur le terrain et d'identifier les leviers d’action immédiats pour faire progresser le rythme des rénovations. En effet, le parc privé est encore majoritairement mal isolé et les aides existantes peinent à déclencher des projets à la hauteur des ambitions gouvernementales.
La ministre a rappelé les engagements de la France en matière de transition énergétique, en pointant également le rôle central des copropriétés, souvent délaissées dans les grandes politiques publiques. Il est urgent de faire des copropriétés un maillon fort de la rénovation énergétique
, a-t-elle affirmé, plaidant pour une meilleure articulation entre les dispositifs d'aide à la rénovation, les offres bancaires et l’accompagnement local.
Une proposition de loi pour lever les verrous ?
Parmi les outils législatifs envisagés pour relancer la dynamique, figure la proposition de loi portée par la sénatrice Amel Gacquerre. Ce texte, adopté au Sénat le 1er avril 2025, doit encore être examiné par l’Assemblée nationale dans le courant du mois de juin. Il a pour but premier de faciliter la mise en œuvre de rénovations énergétiques en copropriété en sécurisant les conditions de financement et en adaptant certains mécanismes juridiques.
Le projet de loi prévoit notamment la création d’un statut renforcé pour les syndics « rénovateurs », assorti d’une mission d’accompagnement renforcée. Il entend également simplifier l’accès au prêt collectif pour financer les travaux à l’échelle d’un immeuble, en limitant d'autre part les risques de défaillance individuelle.
Enfin, le texte propose de recentrer les aides publiques sur les projets performants, en conditionnant les subventions à l’atteinte d’un saut de classe énergétique. Cela devrait inciter les copropriétés à viser des rénovations globales plutôt que des interventions ponctuelles, souvent inefficaces à long terme.

Montrouge, vitrine d’un projet exemplaire
Pour illustrer concrètement les bénéfices d’une rénovation réussie, Valérie Létard a visité, à Montrouge, la résidence « Le Lutèce », une copropriété de 198 logements qui a fait l’objet d’une réhabilitation complète dans le cadre d’un Contrat de performance énergétique (dispositif que nous détaillerons plus bas).
Les résultats sont notables : grâce à l’isolation thermique des façades, à la modernisation des systèmes de chauffage et à l’installation de ventilation double flux, la consommation énergétique a baissé de près de 50 %. Les charges ont été stabilisées et les logements sont désormais classés en catégorie B ou C, contre F ou G auparavant. Le projet a bénéficié d’un montage financier associant subventions publiques, CEE, éco-prêt collectif et apport de la copropriété, avec un reste à charge limité pour les ménages.
Cette opération fait figure de référence, démontrant qu’il est possible, sous certaines conditions, de transformer profondément un immeuble ancien sans peser excessivement sur ses habitants. Pour le gouvernement, ce type de réalisation doit devenir la norme, et non l’exception. Il reste cependant à adapter l’écosystème financier et réglementaire pour qu’un plus grand nombre de copropriétés puissent franchir le pas.
La ministre a donc appelé à une mobilisation territoriale accrue. Elle souhaite voir les collectivités locales jouer un rôle d’animation et de conseil de proximité, notamment via les plateformes de la rénovation énergétique (France Rénov’), encore peu sollicitées par les copropriétaires. Le mot d’ordre est clair : massifier, simplifier et sécuriser la rénovation du parc résidentiel collectif.
Les leviers financiers et techniques envisagés
Déploiement du prêt collectif : un outil à démocratiser
L’un des principaux freins à la rénovation énergétique en copropriété reste le financement. Pour y remédier, le gouvernement met en avant un levier encore peu mobilisé : le prêt collectif.
Ce mécanisme permet à l’ensemble des copropriétaires d’accéder à un financement global pour des travaux votés en assemblée générale, sans passer par des démarches individuelles souvent fastidieuses. Il est souscrit par le syndic au nom de la copropriété, et les remboursements sont répartis entre les copropriétaires selon leur quote-part.
Malgré son intérêt, ce dispositif reste aujourd’hui marginal, notamment en raison d’un manque de clarté sur ses modalités, d’une offre bancaire encore limitée, et de réticences juridiques liées au risque de défaut de paiement d’un ou plusieurs copropriétaires.
La réunion du 22 mai a précisément permis de remettre ce sujet sur la table. La ministre Valérie Létard a demandé aux banques de renforcer leur engagement et d’uniformiser leurs offres pour faciliter l’adoption du prêt collectif dans les copropriétés, en particulier les plus modestes.
Selon l’Agence nationale de l’habitat, la généralisation de ce prêt pourrait permettre de débloquer plusieurs milliers de projets d’ici à 2027, à condition de lever les incertitudes techniques et de former les syndics à son usage.

Le contrat de performance énergétique : garantir les résultats
Le contrat de performance énergétique (CPE), encore peu utilisé dans le résidentiel, permet de contractualiser un objectif de réduction des consommations, généralement sur une période de 10 à 15 ans. Il implique un opérateur global qui conçoit, réalise et exploite les travaux, tout en s’engageant sur les performances obtenues.
Le CPE a l’avantage de rassurer les copropriétaires en leur garantissant un retour sur investissement à long terme. En cas de non-atteinte des objectifs, l’opérateur peut être contraint à indemnisation. Ce principe de garantie séduit de plus en plus les syndics confrontés à la méfiance des copropriétaires vis-à-vis des promesses d’économie parfois difficiles à évaluer.
Cependant, la mise en œuvre d’un CPE nécessite une ingénierie complexe, peu maîtrisée dans les copropriétés de taille moyenne ou modeste. Le gouvernement propose donc de renforcer les moyens alloués à l’assistance à maîtrise d’ouvrage (AMO), afin d’accompagner les copropriétés dans les phases de diagnostic, de montage juridique et de consultation des entreprises.
Une optimisation des dispositifs d’aide ciblée
Dans le cadre du plan de rénovation énergétique des bâtiments, MaPrimeRénov' Copropriétés a été mise en place pour encourager les travaux à l’échelle des immeubles collectifs. Elle finance jusqu’à 25 % du montant total des travaux, dans la limite de 25 000 € par logement, sous condition d’un gain énergétique de 35 % minimum. Toutefois, son efficacité reste perfectible.
MaPrimeRénov', les Certificats d'économie d'énergie ainsi que les boucles d'eau chaude collectives gagneraient à être retravaillés et optimisés, c'est d'ailleurs ce que nous allons voir juste après avec les suggestions proposées par la Fedene.
Ce qu'en disent les acteurs du secteur
Les propositions de la Fedene : un plan d’action structuré
La Fédération des services énergie et environnement (Fedene), qui regroupe les entreprises intervenant dans la gestion énergétique des bâtiments, a publié au printemps 2025 un plan d’action en quatre volets, salué par les services du ministère du Logement.
Premier axe : faire du Contrat de performance énergétique (CPE) une norme dans les opérations de rénovation globale. Pour cela, la Fedene recommande de revaloriser son rôle dans les aides existantes et de mettre en place une labellisation simplifiée pour les prestataires CPE.
Deuxième axe : recentrer les aides publiques sur les rénovations performantes. Selon la Fedene, les dispositifs comme MaPrimeRénov’ doivent impérativement viser un gain énergétique réel et mesurable, en s’assurant d’une sortie des classes énergétiques E, F ou G. Un copropriétaire dont le logement passe de la classe G à la classe C pourrait cumuler MaPrimeRénov’, des aides CEE, et le prêt collectif pour réduire considérablement son reste à charge. Elle appelle aussi à conditionner les subventions à une logique de performance globale et à un diagnostic énergétique préalable de qualité.
Troisième axe : sécuriser les dispositifs de financement comme les Certificats d’économies d’énergie (CEE) en les rendant plus lisibles et accessibles pour les copropriétés. Cela suppose une clarification des modalités de calcul, une simplification des démarches administratives, et un renforcement du contrôle pour éviter les fraudes, souvent pointées du doigt.
Dernier axe : soutenir le développement de boucles d’eau chaude collectives (réseaux secondaires de chaleur au sein d’un immeuble) dans les projets de rénovation. Ces installations, plus performantes que les systèmes individuels, permettent une meilleure régulation des consommations et une réduction durable des émissions. La fédération plaide pour qu’elles soient intégrées dans les barèmes de financement des CEE ou des futurs programmes d’aide.

Mobiliser les professionnels de l’immobilier : un levier capital
Les professionnels de la copropriété — syndics, gestionnaires, maîtres d’œuvre — sont au premier plan dans le déclenchement et la réussite des projets de rénovation. Or, leur mobilisation est encore freinée par plusieurs obstacles : manque de formation spécifique, surcharge administrative, absence de valorisation financière des missions de pilotage.
Le ministère du Logement a reconnu la nécessité d’un changement de cap : les syndics doivent devenir de véritables chefs de projet en matière de rénovation énergétique. Cela implique un accompagnement renforcé, des outils de gestion adaptés, mais aussi une reconnaissance financière. L’idée d’introduire une rémunération incitative liée à la performance énergétique du bâti, ou à la bonne conduite du projet, est aujourd’hui discutée.
En parallèle, le gouvernement souhaite que les syndics soient davantage intégrés dans les réseaux territoriaux d’accompagnement (France Rénov’), jusqu’ici très orientés vers le logement individuel. Cette évolution permettrait de rapprocher les aides techniques des gestionnaires de copropriété, et de fluidifier le montage des dossiers.
Les formations dédiées à la rénovation globale, notamment via les certificats de qualification professionnelle (CQP) ou des modules portés par les chambres syndicales (comme l’UNIS ou la FNAIM), sont également amenées à se généraliser. Cette montée en compétence est vue comme une condition sine qua non pour sortir du pilotage “à la petite semaine” de nombreuses copropriétés.
Mission « Banque de la rénovation » : des annonces attendues pour l’été
Depuis 2024, une mission interministérielle pilotée par le Conseil d’analyse économique et la Banque des Territoires travaille à la création d’un établissement ou d’un guichet dédié au financement de la rénovation énergétique. Baptisée « Banque de la rénovation », cette structure aurait pour vocation de centraliser les outils de financement (prêts, subventions, garanties), de sécuriser les opérations à long terme, et de développer des offres ciblées pour les copropriétés.
Le rapport final de la mission est attendu pour le 24 juin 2025. Selon les premières pistes évoquées, la Banque de la rénovation pourrait s’appuyer sur les réseaux bancaires existants tout en garantissant un accès simplifié aux prêts collectifs, avec des mécanismes de mutualisation du risque. Elle proposerait également des outils d’analyse financière pour les syndics et les copropriétaires, afin de mieux calibrer les projets.
Parmi les scénarios étudiés figure la création d’un fonds de garantie des copropriétés fragiles, destiné à sécuriser les opérations dans les immeubles les plus dégradés.
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