PLF 2026 : Une réforme choc de la plus-value immobilière votée par le Sénat

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le 17 décembre 2025

[ mis à jour le 17 décembre 2025 ]

SOMMAIRE

Dans le cadre du PLF 2026, le Sénat a adopté une refonte majeure de l'imposition des plus-values immobilières, balayant un système vieux de plusieurs décennies. Fini les abattements progressifs qui permettaient d'échapper à l'impôt après 22 ou 30 ans de détention : place à un coefficient d'érosion monétaire et à des taux divisés par deux. Si le texte survit à la navette parlementaire, les nouvelles règles entreraient en vigueur dès 2027.

Une refonte totale du système de plus-value immobilière

Dans l'hémicycle feutré du Sénat, deux amendements identiques ont scellé le sort du régime actuel des plus-values immobilières. L'un porté par le sénateur centriste Vincent Delahaye (amendement I-380), l'autre par le groupe socialiste : une convergence transpartisane rare. Le texte a été adopté malgré l'avis défavorable d'Amélie de Montchalin, ministre du Budget, qui a exprimé sa « très grande prudence ».

La mécanique proposée rompt avec quarante ans de pratique fiscale. Jusqu'ici, un propriétaire vendant un bien autre que sa résidence principale voyait sa plus-value grignotée par des abattements croissants : 6 % par an à partir de la sixième année pour l'impôt sur le revenu (IR), jusqu'à l'exonération totale au bout de 22 ans. Pour les prélèvements sociaux, il fallait patienter 30 ans. Ses détracteurs accusent ce système d'encourager la rétention foncière.

Le nouveau dispositif balaie cette logique. Les abattements pour durée de détention disparaissent purement et simplement. En contrepartie, le prix d'acquisition serait revalorisé chaque année en fonction de l'inflation, via un coefficient d'érosion monétaire publié par l'INSEE.

Les taux d'imposition, eux, chutent de manière spectaculaire. Le tableau ci-dessous, établi à partir de l'analyse de Fiscalonline, résume la bascule :

Composante Régime actuel Nouveau régime (détention ≥ 2 ans) Nouveau régime (détention inférieure à 2 ans)
Impôt sur le revenu 19 % 9 % 18 %
CSG 9,2 % 3 % 8 %
Prélèvements de solidarité 7,5 % 3 % 4 %
Taux global 36,2 % 15 % 30 %

Le texte sénatorial modifie plusieurs articles du Code général des impôts (CGI). L'article 150 VB, qui intègrera désormais l'érosion monétaire dans la définition du prix d'acquisition. L'article 150 VC, qui détaillait sur six alinéas le mécanisme d'abattements progressifs, se retrouvera condensé en une seule disposition renvoyant au coefficient d'inflation. L'article 200 B fixera les nouveaux taux d'IR, tandis que l'article 235 ter créera un régime dérogatoire pour les prélèvements de solidarité.

Autre mesure notable : l'abrogation de l'article 1609 nonies G, qui prévoyait une surtaxe de 2 % à 6 % sur les plus-values supérieures à 50 000 €.

Si le texte franchit tous les obstacles parlementaires, ces nouvelles règles s'appliqueraient aux cessions réalisées à compter du 1er janvier 2027. Un délai d'un an qui laisse aux propriétaires le temps d'arbitrer, ou de se précipiter pour vendre sous l'ancien régime.

Le coefficient d'érosion monétaire : taxer la vraie richesse

Un euro de 2010 ne vaut pas un euro de 2025. L'inflation, même modérée, grignote chaque année le pouvoir d'achat de la monnaie. Un appartement neuf acheté 150 000 € il y a quinze ans et revendu 200 000 € aujourd'hui a-t-il vraiment généré 50 000 € de gain ? Le coefficient d'érosion monétaire corrige ce biais en actualisant le prix d'achat.

En effet, le mécanisme fonctionne comme un correcteur d'inflation. Chaque année, l'INSEE publie un indice des prix à la consommation hors tabac. Le Bulletin officiel des finances publiques (BOFiP) en déduit des coefficients permettant de convertir des euros d'hier en euros d'aujourd'hui. Appliqué à l'immobilier, ce calcul revalorise le prix d'acquisition pour refléter sa valeur actuelle en monnaie constante.

Marie a acheté un studio à Lyon en 2012 pour 100 000 €, frais de notaire inclus. Elle envisage de le vendre en 2027 pour 160 000 €. Sous le régime actuel, sa plus-value brute s'élève à 60 000 €. Après 15 ans de détention, elle bénéficie d'un abattement de 60 % pour l'IR (6 % × 10 années au-delà de la cinquième) et d'environ 10 % pour les prélèvements sociaux. Sa plus-value taxable à l'IR tombe à 24 000 €, soit un impôt d'environ 4 560 € (19 %), auquel s'ajoutent les prélèvements sociaux sur une assiette de 54 000 €, soit environ 9 288 € (17,2 %). Total : près de 13 850 €.

Avec le coefficient d'érosion monétaire, l'inflation cumulée entre 2012 et 2027 avoisinerait 25 %. Le prix d'acquisition de Marie serait donc revalorisé à 125 000 €. Sa plus-value « réelle » ne serait plus que de 35 000 € (160 000 – 125 000). Taxée à 15 %, elle acquitterait 5 250 €. Économie : plus de 8 000 €.

Le système d'abattements récompensait la patience : plus on gardait longtemps, moins on payait. Le coefficient d'érosion monétaire récompense la réalité économique : seul l'enrichissement effectif supporte l'impôt. Une logique formalisée par le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) dans sa recommandation n°2 de décembre 2023.

réforme de la plus-value immobilière
©WIN12_ET - Shutterstock

Gagnants et perdants : le grand rééquilibrage

Les gagnants : vendeurs de courte et moyenne durée.

Pour les propriétaires ayant acquis leur bien il y a 5 à 15 ans, le nouveau régime s'annonce plus clément.

Paul a acheté un appartement locatif à Montpellier en 2015 pour 180 000 € et le revend en 2027 pour 230 000 €. Sous le régime actuel, avec 12 ans de détention, il bénéficie d'un abattement de 42 % sur l'IR. Sa plus-value taxable s'élève à 29 000 €, soit environ 5 510 € d'impôt sur le revenu, auxquels s'ajoutent quelque 7 740 € de prélèvements sociaux. Total : environ 13 250 €.

Avec le coefficient d'érosion monétaire, le prix d'achat de Paul serait revalorisé d'environ 22 % (inflation cumulée 2015-2027), soit 219 600 €. Sa plus-value réelle tombe à 10 400 €. Taxée au taux global de 15 %, elle génère un impôt de 1 560 € seulement. L'économie dépasse 11 000 €.

Les perdants : propriétaires de longue date

Françoise a hérité d'une maison familiale en 1995, estimée alors à 80 000 €. Elle envisage de la vendre 350 000 € en 2027. Sous le régime actuel, après 32 ans de détention, elle ne paie rien : exonération totale.

Avec la réforme, le prix d'achat serait revalorisé d'environ 60 % pour tenir compte de l'inflation, soit 128 000 €. La plus-value taxable atteindrait 222 000 €, générant un impôt de 33 300 € au taux de 15 %.

Les spéculateurs dans le viseur

Le nouveau dispositif réserve un traitement sévère aux reventes rapides. Les biens cédés moins de deux ans après leur acquisition subiraient une taxation à 30 % (18 % d'IR + 12 % de prélèvements sociaux), contre 36,2 % aujourd'hui certes, mais sans aucun abattement ni correction pour inflation, le coefficient d'érosion monétaire étant négligeable sur une si courte période. Cette mesure ciblerait donc explicitement les opérations spéculatives de court terme.

La résidence principale préservée. La réforme ne touche cependant pas à l'exonération de la résidence principale, inscrite à l'article 150 U du CGI.

Pourquoi cette réforme ? Le diagnostic du CPO

La réforme puise ses racines dans un diagnostic posé il y a deux ans par le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO), organisme rattaché à la Cour des comptes. Son rapport sur la fiscalité du logement, publié en décembre 2023, dressait un constat sévère : le régime actuel encourage la rétention foncière plutôt que la fluidité du marché.

Cette stratégie d'attentisme produit des effets délétères au niveau collectif : des logements restent vacants, des terrains constructibles dorment dans les portefeuilles, l'offre se raréfie. Un cercle vicieux documenté par les analyses de la Cour des comptes.

La recommandation n°9 du rapport préconisait de limiter la rétention des biens en remplaçant les abattements sur les plus-values de cessions foncières et immobilières pour durée de détention par une prise en compte de l'évolution des prix .

L'enjeu : débloquer un marché immobilier grippé en libérant résidences secondaires peu utilisées, appartements locatifs vieillissants, maisons familiales devenues trop grandes.

L'opposition du gouvernement

Amélie de Montchalin n'a pas mâché ses mots lors des débats : Je suis très, très précautionneuse sur vos propositions. À très court terme, ça veut quand même dire qu'il y a des gens qui attendent les fameux 22 ans ou 17 ans avant de pouvoir vendre. Et là, d'un seul coup, on leur dirait : si vous voulez ne pas être fiscalisé, il faut tout vendre en 2026.

Des centaines de milliers de propriétaires ont construit leur stratégie patrimoniale autour de l'exonération. Vous risquez d'être beaucoup plus fiscalisé que ce que vous anticipiez, avec un coefficient d'érosion monétaire qui n'atteindra jamais zéro , a prévenu la ministre.

Le sénateur Vincent Delahaye a répliqué : Ça fait quand même six ans qu'on adopte ce dispositif au niveau du Sénat. Les personnes qui suivent un peu ces affaires ne peuvent pas dire qu'on est surpris. En plus, on leur donne un an pour s'ajuster. À 15 %, honnêtement, ce n'est pas confiscatoire.

Le parcours parlementaire reste incertain. L'Assemblée nationale avait déjà rejeté un amendement similaire (I-619). La commission mixte paritaire devra trancher. En cas d'échec, le gouvernement pourrait recourir au 49.3.

Le régime actuel reste en vigueur tant que la loi de finances 2026 n'est pas promulguée.

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