Meublés de tourisme : Montpellier met un coup de frein à la prolifération des Airbnb
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Le 14 octobre 2025, le conseil de métropole a voté un arsenal de mesures qui changent radicalement la donne pour les meublés touristiques montpelliérains : 90 jours de location maximum par an au lieu de 120, un quota strict de 770 logements dans l'Écusson déjà saturé, et des amendes qui grimpent jusqu'à 100 000 €. Dans une ville où 36 000 demandes de logement social attendent une réponse, la municipalité choisit de reprendre la main sur un marché immobilier sous haute tension.
Trop de meublés touristiques à Montpellier
Mardi 14 octobre 2025, le conseil de métropole de Montpellier a tranché. Les élus ont adopté à l'unanimité un durcissement sans précédent de la réglementation encadrant les locations type Airbnb. Cette offensive s'appuie sur la loi Le Meur du 19 novembre 2024, qui offre aux collectivités locales des leviers renforcés pour réguler un marché jugé incontrôlable.
Début 2025, Montpellier comptabilise 5 728 meublés de tourisme déclarés, dont 3 032 fonctionnent comme résidences secondaires. À Lattes, commune voisine qui a emboîté le pas de la métropole, on recense 449 meublés dont 141 en secondaire. Ce phénomène pénalise toujours l'offre de logement
, alerte Claudine Vassas-Mejri, vice-présidente de la métropole déléguée à l'habitat.
La collectivité n'en est pas à son coup d'essai puisqu’un cadre de régulation existe depuis 2021, mais il n'a pas suffi à endiguer la vague. La situation exige à présent des mesures plus radicales.
Quatre mesures qui changent la donne
- La durée maximale de location pour une résidence principale passe de 120 à 90 jours par an. Cette délibération votée le 16 octobre au conseil municipal entrera en vigueur le 1er janvier 2026. Cela représente un mois de revenus en moins pour les propriétaires concernés.
- L'instauration d'un quota strict de 770 logements touristiques dans l'Écusson, le centre historique. Le plafond étant déjà atteint,
Il ne pourra pas y avoir de nouvelles autorisations sans que d'autres logements soient abandonnés en tant que meublés de tourisme
, précise Claudine Vassas-Mejri. Autrement dit : pour qu'un propriétaire entre, un autre doit sortir. - Les autorisations de changement d'usage, auparavant accordées pour deux périodes de trois ans renouvelables, sont désormais limitées à quatre ans sans renouvellement automatique. Les propriétaires devront redemander une autorisation à chaque cycle, avec tous les critères à remplir à nouveau.
- Les amendes grimpent jusqu'à 100 000 € pour une transformation illégale de locaux, contre 50 000 € auparavant. Les contrôles, eux, ont bondi de 33 % en 2024. Près de 200 logements ont été régularisés, dont 90 rendus à leur usage d'habitation permanent.
L'Écusson, épicentre d'une gentrification touristique
Le centre historique de Montpellier concentre à lui seul 52 % des meublés de tourisme officiellement déclarés en résidences secondaires. Dans certains secteurs du cœur de ville, les locations touristiques représentent plus de 7 % du parc de logements permanents, contre seulement 1,67 % en moyenne dans le reste de la ville. Cette concentration crée un déséquilibre palpable : immeubles vidés de leurs habitants à l'année, va-et-vient incessants de valises à roulettes, sonnettes qui carillonnent à toute heure.
Julie Frêche, vice-présidente de la métropole, pose le diagnostic sans ambages : Nous enregistrons 36 000 demandes de logements sociaux pour seulement 4 000 attributions par an, et les logements étudiants manquent également
. En effet, la situation n’aide pas la crise de l’offre de logements à Montpellier, et pendant que des milliers de Montpelliérains cherchent un toit, des centaines d'appartements accueillent des touristes pour quelques nuits.
Des boîtes à clés comme symbole d'un malaise
Fin septembre 2025, 145 demandes de retrait de boîtes à clés ont été enregistrées sur le site « Montpellier au Quotidien ». 101 boîtes ont disparu : 45 enlevées par les services municipaux, 56 par les propriétaires eux-mêmes. Ces petits coffres métalliques, accrochés aux façades des immeubles, cristallisent les tensions. Pour les habitants permanents, ils incarnent la transformation de leur quartier en hall d'hôtel à ciel ouvert.
Ces locations viennent bloquer des logements à la location pérenne pour les familles et travailleurs
rappelle la vice-présidente de la Métropole. La spéculation immobilière alimente la machine : acheter un appartement dans l'Écusson pour le rentabiliser via Airbnb rapporte bien plus qu'une location classique. Mais cette équation financière a un coût social.

Montpellier rejoint le club des villes en résistance
La métropole héraultaise s'aligne ainsi sur Paris, Lyon, Bordeaux, Marseille qui ont déjà instauré des quotas ou limité la durée de location. Annecy, Saint-Malo et Cannes ont également franchi le pas. Pour toutes ces villes, il est clair que la prolifération des meublés touristiques érode le parc locatif et fait grimper les prix.
Laurent Nison, adjoint au maire en charge de l'urbanisme, revendique cette posture : Montpellier, ce n'est pas la ville du Airbnb
. La formule sonne comme un manifeste, une volonté de préserver l'identité résidentielle de la ville face à la tentation d'une économie touristique débridée. Passer de 120 jours à 90 jours nous paraît quelque chose de raisonnable
, ajoute-t-il, évoquant aussi la nécessité de permettre aux hôtels, qui souffrent également de la prolifération incontrôlée de ces meublés touristiques, d'exercer leur métier.
Des critères d'accès qui se durcissent
Les conditions techniques d'accès au marché ont également été resserrées, avec notamment le diagnostic de performance énergétique. Depuis le 21 novembre 2024, seuls les logements affichant un DPE compris entre A et E et soumis à une autorisation de changement d’usage peuvent prétendre à la location en meublé de tourisme. Les passoires thermiques classées F et G se voient exclues du dispositif. Cela va dans le sens de la trajectoire nationale de rénovation énergétique, mais elle écarte de facto une partie du parc ancien du centre-ville.
Rappel : la mise en location de tous les logements classés G est interdite depuis le 1er janvier 2025 .
Autre critère : l'interdiction formelle de transformer en meublé touristique tout logement ayant bénéficié d'aides publiques ou de dispositifs d'accession à la propriété. Prêt à taux zéri, aides de l'ANAH, programmes sociaux : tous ces leviers destinés à faciliter l'accession ou l'habitat permanent ne peuvent plus servir de tremplin vers la location saisonnière. Le message politique derrière cette mesure est que l’argent public ne doit pas financer la spéculation touristique.
La copropriété reprend du pouvoir
Les propriétaires devront également produire une attestation sur l'honneur certifiant la conformité de leur projet avec le règlement de copropriété. La loi Le Meur permet désormais aux copropriétés d'interdire la location meublée de tourisme sous conditions.
“À partir de 2025, tout copropriétaire se déclarant en mairie comme loueur de meublés de tourisme devra en informer le syndic. Les nouveaux règlements de copropriété pourront interdire ou non les meublés de tourisme. Dans les copropriétés disposant déjà d'un règlement de copropriété, un vote à la majorité (deux tiers des voix) pourra modifier le règlement de copropriété pour interdire la location des logements en meublés de tourisme, alors qu'aujourd'hui l'unanimité est requise.”
Locations touristiques, nouvelles règles en 2025, service-public.gouv.fr
Les assemblées générales de copropriété promettent d'être animées dans les mois à venir, alors que les résidents permanents disposent enfin d'un levier pour reprendre la main sur leur cadre de vie.
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