La nouvelle place des Martyrs de la Résistance inaugurée à Montpellier
SOMMAIRE
Le 26 novembre 2025, Montpellier a dévoilé le nouveau visage de la place des Martyrs de la Résistance. Cet espace longtemps dominé par l'automobile renaît en esplanade piétonne, où jets d'eau et pavés mémoriels rendent hommage aux résistants oubliés. Histoire, urbanisme et devoir de mémoire se croisent sur ce parvis de la préfecture, le jour du 1 040e anniversaire de la ville.
Une place métamorphosée après 40 ans d'attente
Depuis 1977, la place des Martyrs de la Résistance semblait figée dans le temps. Dessinée alors par l'architecte Marc Saltet sous le mandat de François Delmas, elle avait conservé sa physionomie de rond-point, où la voiture dictait sa loi. Une place dessinée par la voiture et pour la voiture
, résume sans détour Jacqueline Osty, l'architecte paysagiste chargée de la métamorphose.
Lauréate du Grand prix de l'urbanisme 2020, la fondatrice de l'Atelier Osty & Associés n'en est pas à son premier chantier montpelliérain puisqu'on lui doit déjà le parc Guilhem-VIII, près de la gare Sud de France. Pour la place de la préfecture, le défi consistait à inverser la hiérarchie des usages. Faire reculer l'asphalte, rendre l'espace aux piétons, tout en composant avec une contrainte souterraine de taille : la dalle du parking Foch-Préfecture, qui occupe une large partie du sous-sol.
Le chantier s'est étalé sur 22 mois, en deux actes. De mars à septembre 2024, les équipes ont élargi la rampe d'accès au parking pour regrouper entrée et sortie en un point unique. Puis, d'octobre 2024 à novembre 2025, la surface a subi une cure de jouvence complète : démolition de l'ancienne fontaine, aplanissement du sol, pose d'un revêtement en pierre calcaire. Coût de l'opération : 7,5 millions d'euros , intégralement financés par Montpellier Méditerranée Métropole.
Un espace piéton de 3 000 m²
Exit le ballet des véhicules autour du terre-plein central. La place abandonne sa fonction de giratoire pour devenir une vaste esplanade de plus de 3 000 m² entièrement piétonnisés. Le sol unifié, désormais de plain-pied, dégage une perspective nette sur l'Arc de Triomphe et la rue Foch. Des bancs en pierre ponctuent le parcours, invitant à la pause.
La difficulté, c'est de planter des arbres. On a planté là où on pouvait
, reconnaît la maîtrise d'œuvre. Sept arbres ont finalement pris racine en pleine terre, là où la dalle souterraine le permettait. Les trois oliviers et le micocoulier qui ornaient l'ancienne place ont, eux, été transplantés à Grammont avant d'être replantés square des Castors, dans le quartier Aiguelongue.
Au cœur du dispositif trône une fontaine ludique de 145 jets d'eau, dont chaque jet porte symboliquement le nom d'un résistant montpelliérain. Au-delà de la dimension mémorielle, l'installation répond à un enjeu climatique : selon Laurent Nison, adjoint au maire délégué aux grands travaux, elle pourrait abaisser la température ressentie de sept degrés lors des pics de chaleur estivaux (source : France Bleu). Une promesse de fraîcheur bienvenue dans une ville où le mercure flirte régulièrement avec les 40 °C en été.
135 pavés pour « réparer un oubli »
La pierre calcaire de la nouvelle place est aussi là pour graver des noms dans le marbre. Cent trente-cinq pavés mémoriels parsèment désormais le parvis, chacun dédié à une résistante ou un résistant lié à Montpellier, par la naissance, le décès, l'arrestation ou la torture. Des femmes et des hommes dont le sacrifice n'avait jamais trouvé sa place dans l'espace public de la ville.
Nous avons voulu réparer un oubli
, expliquait le maire Michaël Delafosse lors de l'inauguration. Sur chaque plaque figurent le prénom, le nom, l'année de naissance et celle du décès. Deux cercles ajourés laissent passer un filet de lumière et, par intermittence, un jet d'eau, double symbole de souvenir et de mémoire vive.
Le 21 novembre 2025, cinq jours avant l'inauguration officielle, une cérémonie plus intime a réuni une cinquantaine de familles de résistants sur la place encore en chantier. La chorale du lycée Françoise Combes a entonné Le Chant des partisans, tandis que les élèves brandissaient des lettres majuscules formant des mots de liberté. Parmi les noms dévoilés ce jour-là : Alice Alberhne, rescapée des camps de la mort, ou René Drap, agent de renseignements parachuté en zone occupée. Je trouve cette initiative magnifique, il fallait le faire
, a confié Brigitte Claparède-Albernhe, fille d'Alice (France 3 Occitanie).
Neuf à dix pavés demeurent vierges. La mémoire de la Résistance n'est pas un livre refermé : les associations continuent leurs recherches pour identifier d'autres figures oubliées.
L'histoire sombre effacée par la mémoire
Peu de Montpelliérains le savent : entre 1940 et 1944, cette place portait le nom du maréchal Pétain. C'est ici, devant la préfecture, que le chef de l'État français rencontra Franco en février 1941, mettant en scène l'alliance avec le régime nazi. Un passé que la Libération a voulu effacer.
Le 23 août 1944, Émile Martin prend les rênes de la ville. Cet ancien secrétaire général de la mairie, résistant au sein du Mouvement de Libération nationale sous le pseudonyme de « Girardin », est nommé maire par Jacques Bounin, commissaire de la République. Son premier geste symbolique : rebaptiser la place en hommage aux martyrs de la Résistance.
Parmi eux, Jean Guizonnier, directeur des services municipaux des Travaux publics, fusillé pour avoir fourni des tickets de rationnement aux maquisards.
Quatre-vingts ans plus tard, la nouvelle place prolonge ce geste fondateur. La mémoire nous rassemble, nous oblige et nous éclaire
a déclaré Michaël Delafosse lors de la cérémonie du 21 novembre, ajoutant : Dans ces temps incertains, ayons toujours à l'esprit que la flamme de la Résistance ne s'éteindra jamais.

Un maillon du « Cœur de Métropole »
Le chantier de la place des Martyrs de la Résistance s'inscrit dans une vaste opération de requalification urbaine baptisée « Cœur de Métropole », qui ambitionne de relier l'aqueduc des Arceaux aux rives du Lez par un ruban piétonnier quasi continu. Sur ce tracé : le Peyrou, la Comédie, l'Esplanade Charles-de-Gaulle et la ZAC Ricardo Bofill. Autant de pièces d'un même puzzle que la municipalité assemble depuis plusieurs années.
Après la métamorphose de la Comédie et de l'Esplanade, ainsi que de {{lien:10916|texte:la place Max Rouquette|title:Nouvelle place Max Rouquette aux Arceaux|target:_blank}, le parvis de la préfecture parachève cette mue du centre historique. L'objectif affiché par Michaël Delafosse : faire de Montpellier « le plus grand centre piéton d'Europe ». Une formule que le maire décline à chaque inauguration, martelant sa vision d'un Écusson apaisé où la voiture ne serait plus qu'une invitée tolérée.
Sur la place rénovée, la circulation automobile n'a pas totalement disparu. Les véhicules de livraison, les riverains et les services municipaux conservent un accès, mais selon des règles strictes. Le parking Foch-Préfecture reste accessible via une rampe unique à double sens. Les automobilistes égarés dans l'aire piétonne peuvent faire demi-tour gratuitement au premier niveau, moyennant dix minutes de tolérance.
Un rééquilibrage entre usages qui répond aussi à un intérêt patrimoniale, puisque les façades classées (préfecture, Halles Castellane, bâtiment de la Poste) retrouvent leur prestance, débarrassées du flot métallique qui les cernait depuis des décennies.
La soirée du 26 novembre : fête et lumières
Le 26 novembre, Montpellier célèbre traditionnellement son anniversaire, celui de la première mention écrite de la ville, en 985. Pour cette édition 2025, la cité fêtait donc ses 1 040 ans. Une date que la municipalité a choisie depuis plusieurs mandats pour lancer les illuminations de Noël, transformant la fin novembre en rendez-vous populaire.
À 18 heures, le rideau s'est levé devant la préfecture. Élus, familles de résistants et habitants se sont rassemblés pour la cérémonie officielle, clôturant des mois de travaux menés jusqu'au dernier moment. La fontaine s'est animée pour la première fois sous les applaudissements, ses colonnes d'eau dansant dans la lumière des projecteurs.
Puis le cortège s'est ébranlé et une descente aux flambeaux a serpenté jusqu'à la Comédie, où les illuminations de Noël ont embrasé les façades. Les Halles voisines ont ouvert leurs portes en nocturne pour prolonger la fête. Chants d'enfants, stands gourmands et promeneurs emmitouflés ont composé le tableau d'une soirée mêlant mémoire, lumière et premiers frissons de l'hiver.
Hervé Koffel
Commentaires à propos de cet article :
Ajouter un commentaire