Hausse de la taxe foncière 2026 : qui est concerné et comment réagir ?
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La DGFIP a déclenché une tempête fiscale en plein débat budgétaire. En actualisant ses fichiers cadastraux, l'administration va automatiquement alourdir la taxe foncière de millions de logements dès 2026. Dans le viseur : les équipements sanitaires de votre salle de bain. À Montpellier, déjà sur le podium des villes les plus taxées de France, les propriétaires s'inquiètent.
Une mise à jour fiscale qui fait bondir la facture
Le 18 novembre 2025, le ministère de l'Économie a confirmé à l'AFP le lancement d'une vaste « opération de fiabilisation des bases foncières ». Traduction : l'administration fiscale va passer au peigne fin les caractéristiques de millions de logements pour y intégrer des équipements jusqu'ici absents des fichiers. Sur les 32 millions de propriétaires redevables de la taxe foncière en France, près d'un quart verra sa note s'alourdir dès septembre 2026.
Une razzia administrative pour récupérer quelques 466 millions d'euros supplémentaires qui viendront garnir les caisses des collectivités locales. Pour le gouvernement, cette manne ne constitue pas une hausse d'impôt mais une simple correction. « C'est une question d'efficacité et d'équité de l'impôt : que chacun paie selon le type de logement qu'il détient », justifie le cabinet d'Amélie de Montchalin, ministre des Comptes publics.
L'argument de l'équité peine pourtant à convaincre, car cette « fiabilisation » ne concerne que les propriétaires dont les logements étaient jusqu'ici sous-évalués dans les registres du fisc. Autrement dit, ceux qui payaient moins vont désormais payer plus, sans que ceux qui payaient davantage ne bénéficient d'un quelconque allègement. Le rééquilibrage ne fonctionne que dans un sens : celui de la hausse. Et cette augmentation de 63 euros en moyenne par logement s'ajoute à une décennie de flambée continue. Entre 2014 et 2024, la taxe foncière a déjà bondi de 37,3 % au niveau national, soit deux fois plus vite que l'inflation.
Les six « éléments de confort » au cœur du calcul
Pour comprendre cette hausse, il faut plonger dans les arcanes d'un système fiscal vieux de plus d'un demi-siècle. La taxe foncière repose sur valeur locative cadastrale (VLC), un loyer théorique annuel que pourrait générer le bien s'il était mis en location. Or cette valeur de référence a été établie en 1970 et n'a jamais fait l'objet d'une révision structurelle depuis. Seule une actualisation annuelle indexée sur l'inflation vient la faire évoluer à la marge.
Six équipements baptisés « éléments de confort » sont au centre de ce calcul. Leur présence dans un logement ajoute des mètres carrés fictifs à la surface réelle du bien. Une alchimie comptable où votre baignoire pèse plus lourd que votre chambre d'amis. Selon le site officiel des impôts, voici comment chaque équipement gonfle virtuellement votre surface imposable :
- Baignoire : +5 m² fictifs
- Eau courante : +4 m²
- Lavabo : +3 m²
- Électricité : +2 m²
- Chauffage central ou climatisation : +2 m²
- WC intérieurs : variable selon les cas
Avec un coût moyen de 12,50 € par mètre carré fictif ajouté, l'addition grimpe vite. Un logement équipé d'une baignoire, d'un lavabo, de l'eau courante, de l'électricité et du chauffage central voit ainsi sa base imposable augmenter de 16 m² virtuels, soit environ 200 € de taxe foncière supplémentaire. Le problème ? Ces équipements, considérés comme des « luxes » dans les années 1970, sont aujourd'hui présents dans la quasi-totalité des habitations françaises. Mais des millions de logements n'avaient jamais été correctement renseignés dans les fichiers du fisc. C'est cette anomalie que la DGFiP entend corriger, au prix fort pour les propriétaires concernés.
Une France coupée en deux face à cette hausse de la taxe foncière
La réforme dessine une géographie fiscale où les campagnes et le Sud trinquent davantage que les métropoles du Nord. En cause : un parc immobilier ancien, moins bien renseigné dans les bases cadastrales, et des fichiers qui n'ont parfois pas été actualisés depuis des décennies.
La Corse détient le triste record. Selon Le Figaro Immobilier, plus de 60 % des habitations de Haute-Corse verront leur taxe foncière augmenter en 2026. Sa voisine, la Corse-du-Sud, n'est guère mieux lotie avec 45 % de logements concernés. L'Occitanie suit de près : l'Aude affiche un taux de 42 %, l'Ariège 42,6 % et la Lozère 38,4 %. Même Paris, malgré son parc plus récent et mieux documenté, compte 25 % de logements dans le viseur du fisc.
À l'inverse, certains départements traverseront la tempête sans trop d'encombres. L'Indre-et-Loire ne compte que 9,7 % de biens impactés, l'Isère à peine plus de 10 %. Ces territoires bénéficient d'un cadastre plus à jour, fruit d'une urbanisation plus récente ou d'un meilleur suivi administratif.
Autre enseignement : le type de bien a une certaine importance. Les maisons individuelles, souvent plus anciennes et situées en zone rurale, sont touchées à hauteur de 25 %. Les appartements, concentrés dans les immeubles collectifs des centres urbains, ne le sont qu'à 15 %. Le propriétaire d'un pavillon des années 1960 dans l'arrière-pays audois a donc bien plus de chances de voir sa facture grimper que le détenteur d'un deux-pièces dans une résidence montpelliéraine des années 2000.
À noter que les habitations vétustes ou non réhabilitées, où les installations dites "de confort" mentionnées plus haut font défaut, restent en dehors du périmètre de la réforme. Une maigre consolation pour les propriétaires de biens à rénover, mais une exclusion logique puisque l'objectif est précisément d'intégrer des équipements existants.

Montpellier et l'Hérault : quand la coupe déborde
La capitale héraultaise figure déjà sur le podium des villes françaises où la taxe foncière pèse le plus lourd. Selon une étude du courtier Meilleurtaux relayée par SeLoger, un propriétaire d'un 70 m² à Montpellier débourse en moyenne 1 781 € par an. Seules Nîmes (1 805 €) et Bordeaux (1 789 €) font pire. À titre de comparaison, la même surface ne coûte que 1 004 € à Lille et 1 035 € à Lyon.
Derrière ce montant record se cache un taux communal parmi les plus élevés de France : 52,63 %, inchangé depuis 2020. La municipalité s'est engagée à ne pas l'augmenter durant son mandat. Mais cette stabilité affichée masque une réalité moins flatteuse. Car d'autres taxes, rattachées à la feuille d'imposition foncière, ont explosé ces dernières années.
La taxe d'enlèvement des ordures ménagères (TEOM) a grimpé de 12,35 % à 14,62 % au sein de Montpellier Méditerranée Métropole en 2024, soit une hausse de près de 20 %. La taxe GEMAPI (Gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations), elle, a vu ses recettes passer de 8 à 13 millions d'euros entre 2023 et 2024 (source : France 3 Occitanie). Des contributions qui viennent alourdir une facture déjà salée pour les propriétaires de la métropole.
Et la réforme de 2026 risque d'ajouter une couche supplémentaire à ce millefeuille fiscal pour les logements à Montpellier ou dans l'Hérault. En effet, les biens anciens du centre historique montpelliérain ou des villages alentour, souvent mal renseignés dans les fichiers cadastraux, pourraient subir le double effet de la hausse : revalorisation des bases liée à l'inflation (estimée à 1 % pour 2026) et intégration des fameux « éléments de confort ». Pour un propriétaire, cela représente potentiellement 1,3 mensualité de crédit immobilier engloutie chaque année dans la seule taxe foncière.
Contester : mode d'emploi pour éviter la surfacturation
Première étape : obtenir le détail de votre situation actuelle. Pour cela, un document méconnu fait office de sésame. Le formulaire 6675-M, disponible sur demande auprès de votre centre des impôts fonciers ou via la messagerie sécurisée de votre espace sur le portail web des impôts, recense l'ensemble des éléments ayant servi à déterminer la valeur locative cadastrale de votre bien. Surface, catégorie, équipements de confort : tout y figure. C'est la pièce maîtresse pour identifier d'éventuelles erreurs.
Début 2026, les propriétaires concernés par la mise à jour recevront un courrier les informant des modifications envisagées. En juin 2026, un document détaillé sera accessible dans l'espace personnel sur le site des impôts. L'avis d'imposition définitif tombera fin août 2026, avec un paiement exigible en septembre-octobre.
Les deux voies de contestation
Avant la mise en recouvrement, vous pouvez signaler toute erreur via la messagerie sécurisée du site des impôts, rubrique « Je signale une erreur sur le calcul de mon impôt ». Si votre logement ne dispose pas réellement des équipements retenus par l'administration (une douche comptabilisée alors que vous n'avez qu'un lavabo, un chauffage central fictif dans une maison équipée de radiateurs électriques), fournissez les preuves : photos, factures d'installation, attestations. La correction pourra intervenir avant l'émission de l'avis.
Après réception de l'avis, la procédure se formalise. Vous disposez d'un délai courant jusqu'au 31 décembre 2027 pour déposer une réclamation contentieuse concernant la taxe foncière 2026. Le courrier, adressé au service des impôts mentionné sur votre avis, doit préciser vos coordonnées, la référence de l'avis contesté et les motifs de votre demande. En cas de rejet, un recours devant le tribunal administratif reste possible dans les deux mois suivant la notification.
Face au tollé suscité par l'annonce, le gouvernement a d'ailleurs entrouvert la porte à un rétropédalage. « On se réserve le droit d'interroger la pertinence de cette mesure dans quelques mois, lors d'un point d'étape », a déclaré Maud Bregeon, porte-parole du gouvernement, le 19 novembre 2025. Une consultation avec les parlementaires et les collectivités locales a été lancée dans la foulée. L'issue reste incertaine, mais les propriétaires ont tout intérêt à ne pas attendre un hypothétique abandon pour vérifier leur situation.
Hervé Koffel
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