Urbanisme Montpellier : Le PLUi-C adopté malgré les dissensions
SOMMAIRE
- Les coulisses d’une décennie de gestation
- De la prescription à la projection
- L’épreuve de l’enquête publique
- Un cap national à respecter
- Le contenu de ce PLUi Climat
- Les chiffres et surfaces de ce plan tiré au cordeau
- Densifier sans tasser, rafraîchir sans bétonner
- Un scrutin pour le moins électrique et une majorité qui se lézarde
- Sous l’œil du juge : failles et garde-fous juridiques
En trois heures de débats serrés, le conseil métropolitain de Montpellier a validé, le 16 juillet, un PLUi-Climat qui recompose le paysage politique. Adopté à 70 % des suffrages, le texte dessine l’horizon des 31 communes : deux tiers du territoire gelés, moitié moins d’artificialisation d’ici 2031, 4 500 logements par an. Quatre projets controversés sortent pourtant du cadre, signe d’une coalition fissurée que plusieurs maires qualifient de « renoncement collectif ».
Les coulisses d’une décennie de gestation
De la prescription à la projection
Le chantier naît officiellement le 12 novembre 2015, quand la toute jeune Montpellier Méditerranée Métropole se saisit de la compétence urbanisme et lance l’élaboration d’un PLUi-Climat pour ses 31 communes, un « grand parc métropolitain » pensé pour encadrer l’essor démographique sans étaler la ville.
Une révision du SCoT en 2019 précise les grandes lignes : préserver l’exceptionnelle mosaïque agro-naturelle, organiser les déplacements autour du tramway et loger 4 000 à 4 500 habitants supplémentaires chaque année.
Le débat public prend corps le 1ᵉʳ juin 2023 : les élus passent au crible le Projet d’aménagement et de développement durables (PADD), socle stratégique du futur règlement. « Nous devons répondre à la poussée démographique sans sacrifier nos sols », martèle alors la vice-présidente Coralie Mantion en séance.
L’épreuve de l’enquête publique
Du 29 janvier au 28 février 2025, une enquête publique scrute chaque carte, chaque ratio. 4 091 contributions affluent ; les commissaires entendent maires, agriculteurs, promoteurs et riverains. Le 13 mai 2025, les onze membres de la commission rendent un avis favorable unanime, assorti de trois réserves techniques mais sans remise en cause du cap général.
Un cap national à respecter
En toile de fond, la loi Climat & Résilience du 22 août 2021 impose une zéro artificialisation nette (ZAN) d’ici 2050 et la division par deux de la consommation foncière dès 2031. Le dossier montpelliérain reprend ces jalons : moitié moins d’hectares urbanisés dans les six prochaines années et deux tiers du territoire sanctuarisé dès l’adoption. Ainsi se dessine, après dix ans de procédures et de consultations, un cadre légal où l’urbanisme local épouse les contraintes climatiques nationales sans perdre de vue la dynamique démographique régionale.
Le contenu de ce PLUi Climat
Les chiffres et surfaces de ce plan tiré au cordeau
Sous la feuille de route adoptée le 16 juillet, la Métropole consacre les deux tiers de ses 42 200 ha à l’agro-naturel et aux boisements, scellant « un grand parc métropolitain » qui ceinture l’urbain. Dans cet anneau vert, 5 160 ha d’espaces boisés et 543 ha de parcs urbains passent sous cloche réglementaire (aucun changement de destination possible sans révision du plan). Côté foncier, la règle est de –50 % d’artificialisation d’ici 2031, soit un atterrissage à moins de 90 ha consommés par an, contre près du double lors de la décennie précédente.
Pour absorber un afflux démographique estimé à 5 000 nouveaux habitants par an, le PLUi-C fixe une production annuelle de 4 000 à 4 500 logements neufs, priorité donnée au recyclage urbain et aux friches ferroviaires. L’objectif s’accompagne d’un quota minimal de logements abordables (allant jusqu’à 40 % dans les opérations majeures) afin d’enrayer la flambée des prix.
Densifier sans tasser, rafraîchir sans bétonner
Le document orchestre la façon dont le tiers urbanisable devra évoluer. Autour des lignes de tramway et des pôles de bus, la densité devient la norme : immeubles de cinq à huit niveaux maximum, terrasses végétalisées obligatoires, stationnement mutualisé pour réduire les emprises. Les fiches-quartier prévoient une trame verte et bleue continue, reliant le Lez aux garrigues, pour lutter contre les îlots de chaleur et drainer les eaux pluviales.
En mobilité, la boussole est le « moins de voitures » gravé dans les huit principes du plan. Chaque nouveau programme doit justifier d’un accès « à dix minutes à pied » à un arrêt de transport structurant ; au-delà, un sur-coefficient d’espaces verts est exigé pour compenser la dépendance automobile. Les zones d’activités périphériques voient leur extension conditionnée à la création de navettes électriques express et de pistes cyclables sécurisées.
Dernier pilier, l’adaptation climatique : au sol, 30 % d’espaces perméables imposés pour toute parcelle de plus de 1 000 m² ; en toiture, obligation de panneaux solaires ou de toits frais selon l’orientation. Le PLUi-C inscrit enfin un indicateur annuel de biodiversité (suivi par le Muséum de Montpellier) dont la première mesure est attendue en 2026. Autant de garde-fous pensés pour que la croissance urbaine ne grignote plus le patrimoine naturel, mais s’y greffe comme une vigne bien palissée.

Un scrutin pour le moins électrique et une majorité qui se lézarde
En trois heures de joutes verbales, l’hémicycle a basculé du consensus affiché à l’automne vers un vote serré : 64 voix pour, 26 contre, une abstention, soit exactement 70 % des suffrages (Source : EnCommun). Le chiffre semble confortable, mais les fissures apparaissent aussitôt l'évocation faite du retrait de quatre OAP après un jugement défavorable de la commission d’enquête :
- Clinique du Parc à Castelnau-le-Lez,
- Quartier en développement du Petit Tinal à Lattes,
- Extension urbaine de Vendargues
- Construction d'une nouvelle gendarmerie à Pignan (modifiée mais maintenue)
Les maires concernés par ces OAP se sentent évidemment laissés pour compte par la Métropole suite à cette annonce, et ont demandé le report de la délibération au mois d'octobre afin de ne pas avoir à voter contre un texte qu'ils avaient pourtant ratifié en premier lieu. Un acte de résistance pour garder le pouvoir dans nos mairies
, gronde Cyril Meunier, maire de Lattes, tandis que Frédéric Lafforgue (Castelnau-le-Lez) prédit un « risque juridique majeur » si l’unanimité n’est pas rétablie.
Le président Michaël Delafosse refuse le report : « Retirer ces projets affaiblirait le texte », plaide-t-il avant de saluer un document stratégique qui préserve deux tiers du territoire
. Mais l’attaque vient aussi de l’aile écologiste : « Vous niez la crise climatique », tranche l’élue Célia Serrano, dénonçant 750 ha promis au béton.
Au final, le PLUi-C passe, mais laisse derrière lui une mosaïque politique moins soudée : trois maires votent contre leur propre plan, l’opposition verte sort galvanisée, et les contentieux ne sont plus une hypothèse d’école.
Sous l’œil du juge : failles et garde-fous juridiques
Le consensus brisé lors du vote laisse une traînée de poudre : Frédéric Lafforgue prédit « l’illégalité des documents actuels » si les communes frondeuses saisissent le tribunal administratif. Pour limiter la casse, la Métropole a classé trois des OAP controversées en zones à urbaniser fermées et amendé celle de Pignan, choix présenté comme une « sécurisation » du dossier… mais perçu par les maires concernés comme un aveu de fragilité.
Le dossier passe maintenant par le contrôle de légalité préfectoral : sous deux mois, le représentant de l’État peut déposer un déféré s’il juge la délibération non conforme au Code de l’urbanisme Tribunal administratif de Montpellier. En parallèle, tout citoyen ou association dispose d’un délai de recours gracieux puis contentieux de deux mois après l’affichage de la délibération pour contester le PLUi-C.
L’histoire récente montre que ce levier n’est pas théorique : en janvier 2025, le tribunal a annulé la modification du PLU de Baillargues après saisie du préfet, rappelant que l’artificialisation d’espaces boisés sans intérêt collectif pouvait être sanctionnée.
À Montpellier, l’absence d’unanimité, les réserves de la commission d’enquête et la pression citoyenne dressent donc une épée de Damoclès au-dessus d’un document encore frais. Reste à savoir si la Métropole saura colmater ces brèches avant que les premiers ne franchissent le porche du 6 rue Pitot.
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