Montpellier : L'ancien bâtiment Engie devient une résidence de coliving
SOMMAIRE
- Chronique d’une reconversion historique
- Anatomie d’une ruche urbaine : les chiffres qui bourdonnent
- Quand l’hôtellerie infuse l’habitat pour un coliving de standing
- Quid du financement du projet ?
- Un projet écoresponsable et certifié du sol au plafond
- Labels, pactes verts et garanties
- Sous la dalle, la nature refait surface
- Dépolluer pour bâtir sans mordre sur les sols vierges
- Réduire l’empreinte dès la matière première
- Biodiversité et confort d’usage, même combat
- Le boom du coliving
Déserté par les chaudières il y a trente ans, le 46 boulevard de Strasbourg bourdonne de nouveau. Le promoteur immobilier Vinci et son partenaire Brownfields viennent d’y allumer le « Bikube », une ruche urbaine qui abrite 170 appartements flexibles du studio au T3.
Après un investissement massif et plus de deux ans et demi de chantier, deux volumes épurés s’ouvrent désormais sur un bar‑restaurant, un espace de coworking et un rooftop végétalisé. Pensée pour les 25‑40 ans mobiles, l’adresse propose des loyers « tout inclus » et transforme une friche industrielle en habitat partagé.
Chronique d’une reconversion historique
L’usine à gaz installée en 1835 sur l’actuel boulevard de Strasbourg illuminait jadis les réverbères de Montpellier. Ses fours se sont éteints en 1975, laissant derrière eux un îlot industriel de 1,4 hectare en pleine ville.
Quarante‑quatre ans plus tard, Engie cède ce terrain au tandem Vinci Immobilier/Brownfields. L’opération, bouclée le 26 mars 2019, profite du dispositif « tiers demandeur » introduit par la loi ALUR 2015 : l’acquéreur endosse la dépollution et libère l’énergéticien de sa responsabilité décennale.
Le site n’est pourtant pas vide : une vingtaine de familles y ont trouvé refuge. En accord avec la Ville, le promoteur finance une solution de relogement et le bâtiment est libéré en novembre 2021 sans recours aux forces de l’ordre. Un modèle de gestion de crise
, souligne Thierry Iacazio, directeur régional adjoint de Vinci.
Le 28 novembre 2022, la première pierre de Bikube est posée. S'ensuivent 33 longs mois de chantier, des forages pour purger les sols et la démolition de l’ancien centre de formation Engie. La résidence sort de terre en mai 2025 et ouvre officiellement ses portes le 1er juillet 2025.
Selon le maire Michaël Delafosse, treize millions d’euros ont été injectés rien que dans les travaux
, donnant du travail aux entreprises locales avant de redonner vie au quartier Saint-Roch.
Anatomie d’une ruche urbaine : les chiffres qui bourdonnent
Dressé sur 6 476 m², l’essaim Bikube rassemble 170 logements neufs à Montpellier, meublés et prêts à l'emploi :
- 157 T1
- 10 T2
- 3 T3
Ceux-ci sont distribués dans deux ailes de cinq et deux niveaux. Aux étages, 1 230 m² d’espaces partagés (cuisines, salons, salle de projection) prolongent chaque palier tandis qu’au sous‑sol 57 places de stationnement répondent aux besoins des résidents motorisés.
Le cœur d’îlot s’ouvre sur un jardin de plus de 1 000 m², prémisse d’un micro‑parc au centre d’un quartier minéral. L’exploitation génère 30 emplois pérennes, du service de conciergerie à la restauration.
Quand l’hôtellerie infuse l’habitat pour un coliving de standing
En façade, Bikube adopte les codes feutrés d’un boutique‑hôtel ; au dos, elle fonctionne comme une pension de famille 4.0. L’idée est de pallier les limites du bail classique : trop rigide pour des actifs en mission ou en télétravail
, résume Thierry Iacazio, directeur régional adjoint Méditerranée de Vinci Immobilier. Virginie Leroy, présidente du groupe, y voit « une réponse à l’hypermobilité et au besoin de flexibilité ».
Concrètement, le loyer démarre à 850 € par mois pour un studio et grimpe à 1 390 € pour un T3, charges, wifi et accès aux communs inclus. Un loyer plutôt élevé, certes, mais une enveloppe qui couvre un éventail de services : restaurant‑bar accessible sept jours sur sept, salle de fitness 24 h/24, coworking modulable, laverie connectée et rooftop végétalisé. Le tout est piloté via une application interne pour réserver un vélo, un cours de yoga ou une salle de réunion.
Certaines de ces installations (le bar, les cours de sport, les meeting‑rooms...) accueillent aussi les Montpelliérains de passage, brouillant un peu plus la frontière entre résidence privée et tiers‑lieu.
À chaque étage, une identité chromatique (Yellow californien, Green zen, Pink rock) signe l’intérieur ; les espaces partagés forment, tels des alvéoles, un maillage de salons, cuisines et terrasses où les locataires butinent idées et contacts. Une fresque collaborative, commandée dans le cadre de la charte « 1 immeuble, 1 œuvre », parachève l’atmosphère maison‑atelier et rappelle que la ruche n’a de sens que si elle bourdonne de créations.

Quid du financement du projet ?
Au‑delà des façades graphiques, Bikube repose sur une architecture financière à trois étages.
Première strate : Speed Rehab, société fondée par Brownfields et Vinci Immobilier, qui a racheté en 2019 un portefeuille de 50 anciennes friches cédées par Engie grâce au dispositif dit du « tiers demandeur ». Ce cadre juridique transfère l’obligation de dépollution au nouvel acquéreur et libère l’énergéticien de sa responsabilité décennale ; il scelle aussi l’arrivée de Vinci sur le terrain du recyclage foncier.
Deuxième strate : la résidence montpelliéraine est vendue en VEFA à la Foncière des Générations, véhicule d’investissement créé par Brownfields pour porter des actifs « à impact ». Le bail long terme garantit un rendement locatif indexé, tandis que l’exploitant Bikube assume la commercialisation ; un modèle « hôtel + logement » que l’investisseur juge défensif face aux cycles immobiliers.
Troisième strate : le budget global frôle les 33 M€, dont 13 M€ rien que pour le chantier, et 70 % sont allés à des entreprises locales, selon la mairie. La transaction reste confidentielle, mais le ticket d’entrée de la Foncière couvrirait la quasi‑totalité de la dépollution, évaluée à 1,8 M€, avant amortissement sur quinze ans.
Un projet écoresponsable et certifié du sol au plafond
Labels, pactes verts et garanties
Bikube vise le double label NF Habitat & HQE ainsi que la conformité RT 2012, un trio synonyme de performance énergétique et de confort d’usage. Le cahier des charges inclut : menuiseries à rupture de pont thermique, VMC hygro B, équipements électroménagers A++ et plus de 30 % de mobilier sourcé en filière bas carbone.
Le montage contractuel prévoit une garantie de réversibilité : si le marché du coliving s’essoufflait, la structure poteau‑poutre autorise une reconversion en logements familiaux ou bureaux légers, limitant le risque d’actif obsolète. Pour la Foncière, « chaque alvéole doit pouvoir changer de fonction sans changer de ruche », résume Patrick Viterbo, président de Brownfields.
Sous la dalle, la nature refait surface
Le sol du 46 boulevard de Strasbourg a été désimperméabilisé : un jardin d’un millier de m² irrigue désormais le cœur d’îlot, flanqué d’un potager partagé et de bacs à compost. Un étage plus haut, le toit se couvre d’un tapis végétal qui tempère les logements en été et filtre les eaux pluviales .
Dépolluer pour bâtir sans mordre sur les sols vierges
Bikube incarne la stratégie Zéro artificialisation nette (ZAN) 2030 que Vinci Immobilier s’est fixée vingt ans avant l’échéance légale, pour reconstruire la ville sur la ville plutôt qu’ouvrir de nouveaux terrains. Son partenaire Brownfields revendique, fin 2023, 415 hectares de friches déjà régénérés à l’échelle nationale, avec 406 000 m³ de terres polluées traitées.
À Montpellier, le sous‑sol de l’ancienne usine à gaz révéla une forte contamination aux hydrocarbures ; désamiantage, excavation sélective puis confinement in situ ont été menés dès 2022, avant le gros œuvre.
Réduire l’empreinte dès la matière première
Le chantier a privilégié le réemploi des terres excavées pour modeler les talus du jardin et limiter les rotations de camions, conformément au guide interne « Régénérer la ville » de Vinci Immobilier. Les superstructures sont en béton bas carbone CEM III/B, et le programme prévoit une consommation cible DPE B (70–110 kWh/m²/an) et d’émissions inférieures à 11 kg CO₂/m²/an.
Biodiversité et confort d’usage, même combat
Outre les plantations en pleine terre, le projet installe des nichoirs à chauves‑souris et des ruches pédagogiques, en lisière d’un parcours de fraîcheur connecté aux brumisateurs du restaurant. Les résidents retrouvent, à portée de main, un ratio de 7 m² d’espaces verts par personne, chiffre rare dans un tissu de faubourg ferroviaire. Dans les mots de Patrick Viterbo, chaque friche réhabilitée rembourse une dette écologique contractée hier ; Bikube démontre qu’on peut loger sans déloger le vivant.
Le boom du coliving
En France, le coliving sort tout juste de la confidentialité : 14 500 lits étaient exploités début 2024, contre 8 300 en 2021, soit + 70 % en trois ans, pour une part encore modeste de 0,2 % du parc locatif (Source : étude Xerfi). Cette micro‑ruche attire pourtant le capital avec 430 M€ investi en 2023, un niveau record pour un segment résidentiel encore balbutiant. Le cabinet Grand View chiffre, lui, 1,52 Md€ de revenus en 2024, promis à 3,28 Md€ en 2030 si la croissance annuelle de 13,7 % se confirme.
Le phénomène prend de l'ampleur du fait de deux facteurs principaux qui sont la pénurie chronique de logements et la généralisation du télétravail. Le coliving devient un cocon productif pour une génération d’actifs mobiles
, relevait Le Monde au printemps 2024, citant le besoin d’allier toit, bureau et réseau social dans un même lieu. Les opérateurs, de Colonies à Babel Community, revendiquent déjà des taux d’occupation supérieurs à 90 % – 94 % pour Babel au dernier pointage.
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