Logement Locatif Intermédiaire (LLI) : Peut-être une réponse à la crise du logement ?
SOMMAIRE
- Les grandes lignes du Logement Locatif Intermédiaire (LLI)
- Définition et cadre légal
- Un positionnement hybride
- Atouts et fonctionnement du LLI
- Avantages pour les locataires
- Critères d’éligibilité rigoureux
- Rôle clé des acteurs institutionnels
- Un dispositif limité actuellement
- Une offre insuffisante face à une demande croissante
- Une baisse de l’engagement des investisseurs institutionnels
- Un dispositif sous-exploité par rapport à ses ambitions
- L’apport des investisseurs particuliers dans le LLI : une solution ?
- Une opportunité pour les particuliers
- Un levier pour pallier la fin du dispositif Pinel
- Étendre le LLI à de nouvelles zones
La France est confrontée à une crise du logement qui touche de plus en plus les classes moyennes et les jeunes actifs, ces populations souvent trop "riches" pour bénéficier de logements sociaux, mais pas assez pour accéder au marché privé. Face à ce défi croissant, le Logement Locatif Intermédiaire (LLI) s'impose comme une solution à mi-chemin entre ces deux univers.
Pensé pour offrir des loyers plafonnés et accessibles dans les zones tendues, il combine des avantages pour les ménages à revenus intermédiaires et une approche de mixité sociale adaptée aux enjeux urbains.
Pourtant, malgré ses ambitions, le LLI peine encore à répondre à la demande et à séduire les investisseurs institutionnels, dont la frilosité limite les mises en chantier. Parallèlement, l’extinction du dispositif Pinel met en lumière le potentiel d’une implication plus grande des particuliers dans ce secteur. Alors, le LLI peut-il vraiment devenir un pilier du logement abordable tout en soutenant l'économie du bâtiment ?
Nous ferons ici un retour sur ce dispositif, ses principes, ses avantages et ses faiblesses, ainsi que les perspectives offertes par une réforme intégrant les investisseurs particuliers.
Les grandes lignes du Logement Locatif Intermédiaire (LLI)
Le Logement Locatif Intermédiaire, créé en 2014, répond à un besoin spécifique : combler le fossé entre le logement social et le marché privé. Il vise à offrir une solution aux ménages dits "à revenus intermédiaires", exclus des dispositifs sociaux, mais confrontés à des loyers élevés dans le secteur privé.
Définition et cadre légal
La notion de logement intermédiaire est définie par l’article L. 302-16 du Code de la Construction et de l’Habitation :
”Les logements intermédiaires s'entendent, à l'exclusion des logements locatifs sociaux définis à l'article L. 302-5, des logements :
1° Faisant l'objet d'une aide directe ou indirecte, sous quelque forme que ce soit, accordée par l'Etat, une collectivité locale ou l'un de ses groupements, ou par toute autre personne morale et conditionnée au respect, pendant une certaine durée, des conditions prévues aux 2° et 3° ;
2° Destinés à être occupés, à titre de résidence principale, pendant la durée fixée lors de l'attribution de l'aide mentionnée au 1°, par des personnes physiques dont les ressources n'excèdent pas des plafonds, fixés par décret en fonction de la typologie du ménage, de la localisation et du mode d'occupation du logement, lesquels ne sauraient être inférieurs, pour les logements donnés en location, aux plafonds prévus au chapitre unique du titre III du livre III ;
3° Dont le prix d'acquisition ou, pour les logements donnés en location, dont le loyer, n'excède pas, pendant la durée mentionnée au 2°, des plafonds fixés par décret en fonction de la localisation du logement, de son type et, le cas échéant, de son mode de financement, lesquels ne sauraient être inférieurs, pour les logements donnés en location, aux plafonds prévus au chapitre unique du titre III du livre III.”
Article L302-16 du CCH
Un positionnement hybride
Le LLI se distingue par sa capacité à conjuguer des caractéristiques empruntées au logement social et au marché privé. Contrairement aux logements sociaux, il n’exige pas de commission d’attribution complexe, tout en proposant des loyers modérés. En parallèle, il permet aux classes moyennes d’accéder à des quartiers attractifs, souvent proches des transports et des bassins d’emploi, à des conditions financières plus accessibles que celles du privé.
Atouts et fonctionnement du LLI
Avantages pour les locataires
Le principal attrait du LLI est bien évidemment ses loyers modérés, fixés à des niveaux inférieurs de 10 à 15 % au marché locatif privé. Cette réduction est essentielle pour les ménages dont les revenus, bien qu’intermédiaires, restent insuffisants pour se loger convenablement dans les grandes agglomérations. À titre d’exemple, en 2024, un logement neuf à Montpellier en zone A bénéficiait d’un plafond de 14,03 €/m², contre des loyers souvent bien supérieurs sur le marché libre. Les plafonds de loyer par zone sont les mêmes que les plafonds du dispositif Pinel, à savoir en 2024 :
- Zone A bis : 18,89 €/m²
- Zone A : 14,03 €/m²
- Zone B1 : 11,31 €/m²
- Zone B2 : 9,83 €/m²
- Zone C : 9,83 €/m²
Outre la question financière, le LLI garantit une certaine stabilité aux locataires grâce à des baux généralement longs, tout en leur permettant d’accéder à des logements récents, bien situés et proches des bassins d’emploi.
Critères d’éligibilité rigoureux
L’attribution d’un logement intermédiaire repose sur des conditions précises. Les candidats doivent respecter des plafonds de revenus fixés par décret, modulés selon la zone géographique et la composition du foyer. Par exemple, une personne seule vivant en zone B1 doit avoir un revenu fiscal de référence inférieur à 35 435 €. Là encore, les plafonds de ressources sont alignés sur le dispositif Pinel, les voici :
Composition du foyer locataire | Zone A bis | zone A | Zone B1 | Zone B et C |
---|---|---|---|---|
Personne seule | 43 475€ | 43 475€ | 35 435€ | 31 892€ |
Couple | 64 976€ | 64 976€ | 47 321€ | 42 588€ |
Personne seule ou couple ayant une personne à charge | 85 175€ | 78 104 € | 56 905€ | 51 215€ |
Personne seule ou couple ayant deux personnes à charge | 101 693€ | 93 556€ | 68 699€ | 61 830€ |
Personne seule ou couple ayant trois personnes à charge | 120 995€ | 110 753€ | 80 816€ | 72 735€ |
Personne seule ou couple ayant quatre personnes à charge | 136 151€ | 124 630€ | 91 078€ | 81 971€ |
Majoration par personne à charge à partir de la cinquième | 15 168 € | 13 886€ | 10 161€ | 9 142€ |
De plus, les logements LLI doivent être loués comme résidence principale, excluant toute utilisation à des fins secondaires ou spéculatives. Cette règle garantit que ces habitations répondent à leur objectif premier : offrir une solution durable aux besoins de logement des ménages intermédiaires.
Rôle clé des acteurs institutionnels
Le LLI est une sorte de “Pinel institutionnel”, son développement repose sur l’engagement d’acteurs institutionnels majeurs comme CDC Habitat, In’li, et Action Logement. Ces organismes, issus du secteur public ou parapublic, assurent la construction et la gestion de ces logements tout en bénéficiant d’incitations fiscales. En effet, le LLI n’est pas ouvert aux investisseurs particuliers, il est réservé à ces organismes œuvrant pour le logement des foyers démunis, modestes et intermédiaires.
Un dispositif limité actuellement
Malgré ses promesses, le Logement Locatif Intermédiaire (LLI) souffre de plusieurs faiblesses structurelles qui limitent son impact sur la crise du logement. Ces contraintes, qu’elles soient liées à une offre insuffisante, à la réticence des investisseurs ou à des critères d’accès restrictifs, freinent le développement d’un dispositif pourtant essentiel pour les classes moyennes.
Une offre insuffisante face à une demande croissante
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : en huit ans, seulement 54 000 logements intermédiaires ont été construits, alors que la Cour des Comptes estime le besoin à 370 000 logements par an pour répondre aux tensions actuelles du marché. Ce déficit montre bien l’incapacité du dispositif, dans son état actuel, à répondre à l’ampleur de la demande.
La localisation des logements, concentrée dans les zones tendues comme les grandes métropoles, accentue ce déséquilibre. Si ces zones sont stratégiques en termes d’emploi et d’attractivité, elles limitent la possibilité d’étendre l’offre à des territoires où les ménages à revenus intermédiaires pourraient également bénéficier d’un logement abordable.
Une baisse de l’engagement des investisseurs institutionnels
Comme mentionné plus haut, les investisseurs particuliers n’ont pas accès au LLI, celui-ci étant réservé aux acteurs institutionnels tels qu’In’li, CDC Habitat ou encore Action Logement. Cependant, la fin des taux d’intérêt bas en 2023 a profondément impacté les rendements attendus par ces investisseurs et ne sont plus assez attractifs pour compenser les coûts de construction et les contraintes du dispositif.
Cette désaffection des institutionnels se traduit par une baisse des mises en chantier, laissant planer des incertitudes sur la pérennité du LLI à grande échelle. La filiale In’li, par exemple, a dû réduire ses projets en raison d’une conjoncture économique moins favorable.
Un dispositif sous-exploité par rapport à ses ambitions
En huit ans, seulement 54 000 logements intermédiaires ont été construits, un chiffre modeste au regard des besoins actuels. Selon l’Afil (Association française de l’immobilier locatif), ce nombre équivaut à une seule année d’investissement des particuliers via le dispositif Pinel, qui va disparaître à la fin de l’année. Ce contraste souligne l’importance d’un ajustement structurel pour que le LLI réponde à son plein potentiel.
Le gouvernement s’est cependant fixé l’objectif de doubler la production annuelle de logements LLI d’ici 2025, pour atteindre 30 000 unités par an. C'est manifestement une prise de conscience de l’importance stratégique du dispositif pour les ménages à revenus intermédiaires.
L’apport des investisseurs particuliers dans le LLI : une solution ?
Face à l’essoufflement des investisseurs institutionnels, une nouvelle dynamique pourrait relancer le Logement Locatif Intermédiaire (LLI) : l’implication des investisseurs particuliers. Cette piste, actuellement à l’état de bruit de couloir mais défendue notamment par l’Afil, offre une alternative crédible pour stimuler la production de logements tout en répondant aux besoins des ménages à revenus intermédiaires.
Au vu de la crise actuelle et de la récente censure du gouvernement qui met en suspens les mesures adoptées ces dernières semaines pour redresser le secteur (élargissement du PTZ, exonération des droits de succession...), cette solution pourrait bien donner un nouveau souffle au logement en France.
Une opportunité pour les particuliers
L’Afil propose d’étendre au LLI les avantages fiscaux habituellement réservés aux investisseurs institutionnels, soit :
- Un amortissement sur 20 ans de la valeur du bien immobilier (hors terrain), permettant de réduire les charges fiscales des propriétaires
- Une exonération de taxe foncière, à condition de respecter les critères d’engagement locatif
- Une TVA réduite à 10 %
À priori, ces incitations permettraient de mobiliser massivement les particuliers, renforcerait en passant l’emploi dans le secteur du bâtiment et générerait des recettes pour les collectivités locales.
Un levier pour pallier la fin du dispositif Pinel
L’extinction programmée du dispositif Pinel fin 2024 laisse un vide dans l’offre de logement abordable. Le Pinel avait permis à des milliers de particuliers d’investir dans le neuf, avec un avantage fiscal en contrepartie d’un engagement locatif. Il représentait quasiment 90% des investissements locatifs dans l’immobilier neuf, et sa disparition est vouée à mettre un grand coup de plus au secteur, déjà en difficulté.
Ouvrir le LLI aux investisseurs particuliers garantirait une transition douce après la fin du Pinel et serait une véritable bouée de sauvetage pour le secteur de la construction neuve.
Étendre le LLI à de nouvelles zones
Aujourd’hui, le LLI se concentre principalement dans les zones A, A bis et B1, où la tension immobilière est forte. Pourtant, de nombreuses régions situées en dehors de ces zones rencontrent elles aussi des besoins croissants en logements abordables. Étendre le dispositif à des zones moins tendues, tout en maintenant des conditions adaptées au contexte local, pourrait élargir sa portée et répondre à une demande plus diversifiée.
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