Indivision successorale : un projet de loi pour débloquer les situations complexes

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Avatar de l'auteur "Hervé KOFFEL" Hervé Koffel

le 07 mai 2025

[ mis à jour le 07 mai 2025 ]

SOMMAIRE

Dans de nombreuses familles françaises, la perte d’un proche est suivie d’un casse-tête juridique et humain : celui de la gestion des biens hérités en indivision. Lorsque plusieurs héritiers se retrouvent copropriétaires d’un même logement, toute décision — vente, location, rénovation — nécessite leur accord unanime. Un héritier introuvable, un désaccord familial, ou simplement l’inertie d’un coindivisaire peuvent suffire à paralyser l’ensemble du processus pendant de nombreuses années.

Les conséquences touchent aussi le marché immobilier et l’aménagement du territoire : les successions en indivision qui n'aboutissent pas représentent une part importante des millions de logements vacants en France. Paradoxalement, cette situation coexiste avec une crise aiguë du logement que nous traversons depuis plus d'un an.

Face à ce constat, deux députés ont porté une proposition de loi ambitieuse, adoptée à l’Assemblée nationale le 6 mars 2025. Ses objectifs : simplifier les procédures de sortie de l’indivision successorale, débloquer la transmission et la valorisation des biens hérités, et répondre à l’urgence sociale et urbaine. Ce texte pourrait bien redonner vie à des milliers de logements laissés en déshérence, et proposer une solution concrète à une partie de la crise comme l'ont fait d'autres récentes propositions de loi pour le logement.

L’indivision successorale et ses complications

Un cadre juridique rigide et souvent paralysant

L’indivision successorale naît automatiquement lorsque plusieurs héritiers se retrouvent copropriétaires d’un bien immobilier au décès d’un proche. Chaque indivisaire détient une part abstraite du bien — une quote-part — mais aucune ne peut décider seul de son sort. En vertu du droit commun, toute décision majeure (vente, location, travaux) requiert l’accord unanime de tous les cohéritiers.

Ce principe, censé protéger les droits de chacun, se transforme rapidement en frein lorsque les héritiers ne s’entendent pas ou qu’il est impossible de contacter certains d’entre eux. Un frère résidant à l’étranger, une tante âgée dont on a perdu la trace, ou simplement des divisions familiales… Il suffit d’un indivisaire silencieux, introuvable ou opposé pour figer la succession pendant des années.

La loi prévoit bien quelques mécanismes de sortie — comme le partage ou la vente forcée sur décision judiciaire — mais ils sont longs, coûteux et complexes, souvent hors de portée des familles modestes.

Des conséquences concrètes et coûteuses

L’impact de ces blocages dépasse largement le cercle familial. Ils contribuent à la multiplication des logements vacants dans tout le pays. L’Insee estimait à 3,1 millions le nombre de logements inoccupés en France en 2023, en hausse de 60 % en 30 ans. Une part non négligeable est directement liée à des successions en indivision non résolues, selon les travaux parlementaires.

proposition de loi indivision successorale – un mathématicien qui s'interroge
©pathdoc- Shutterstock

Ces biens vacants posent plusieurs problèmes :

Pour les collectivités locales, ces situations sont aussi un casse-tête. Les mairies, en première ligne face aux biens laissés à l’abandon, n’ont ni la visibilité juridique ni les leviers suffisants pour intervenir efficacement. C’est à cette impasse structurelle que la nouvelle proposition de loi entend apporter des solutions concrètes.

Une proposition de loi adoptée en première lecture à l’Assemblée nationale

Les objectifs d’une réforme pragmatique

Face à l’urgence du mal-logement et à la montée en flèche du nombre de biens laissés à l’abandon, la proposition de loi portée par les députés Louise Morel et Nicolas Turquois, membres du groupe Démocrates, ambitionne de réduire les blocages juridiques liés aux indivisions successorales. Adoptée à une écrasante majorité (55 voix pour, 1 contre) à l’Assemblée nationale le 6 mars 2025, cette réforme a reçu le soutien explicite du gouvernement, notamment de la ministre du Logement Valérie Létard, qui a déclaré :

On ne peut pas se permettre de laisser des milliers de logements à l’abandon faute d’accord entre ceux qui en ont hérité.

L’esprit du texte repose sur deux impératifs : simplifier les règles juridiques pour faciliter les ventes ou les partages, en garantissant tout de même les droits des héritiers, y compris ceux qui sont absents ou opposés.

Cette proposition de réforme, par son ambition de solutionner un angle de la crise du logement, entre dans la lignée de la récente mesure pour éxonérer les donations pour un achat immobilier neuf, qui a été introduite dans la loi de Finances 2025 pour relancer le marché immobilier et l'investissement locatif.

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Le contenu du projet de loi

Un assouplissement du seuil de majorité

La réforme modifie un article clé du Code civil, l’article 815-5-1, qui permettait déjà à une majorité qualifiée des deux tiers des droits indivis de forcer la vente d’un bien en justice. La nouveauté majeure du texte est l’abaissement de ce seuil à une simple majorité de plus de 50 %.

Concrètement, si deux cohéritiers détiennent ensemble 51 % des parts d’un bien, ils peuvent engager une procédure de vente malgré l’opposition d’un troisième héritier minoritaire. Cela constitue une avancée importante pour débloquer les situations figées.

Un mécanisme renforcé en cas d’héritiers introuvables

Le texte introduit un nouvel article, 815-5-2, qui donne un pouvoir accru à la Direction nationale d’interventions domaniales (DNID). Dans le cas d’une succession ouverte depuis plus de 10 ans, où l’un des indivisaires est décédé et ses héritiers introuvables ou non identifiés, un juge pourra autoriser la vente du bien, à condition que des diligences sérieuses aient été entreprises pour retrouver les personnes concernées. Cette mesure vise les successions dites “vacantes”, souvent bloquées depuis des décennies.

proposition de loi indivision successorale – un stylo enchaîné à une maison sur un contrat
© OneSideProFoto - shutterstock

La création d’une base de données nationale

Autre volet de la proposition de loi : la mise en place d’une base de données centralisée recensant les biens abandonnés ou concernés par une succession vacante, une indivision bloquée ou une absence de maître (sans successible depuis plus de trente ans). Accessible aux collectivités territoriales, cette base leur permettra d’identifier plus rapidement la situation juridique des logements inoccupés sur leur territoire, et d’initier des démarches adaptées (rénovation, rachat, portage foncier…).

L’ensemble de ces mesures constitue un changement de paradigme dans le traitement des indivisions successorales : moins de rigidité, plus de réactivité, et maintien d'un encadrement judiciaire pour prévenir les abus.

L’expérimentation du droit alsacien-mosellan dans d’autres territoires

Inspirée d’un dispositif en vigueur en Alsace-Moselle, la réforme ouvre la voie à une expérimentation sur cinq ans dans des départements volontaires. Ce modèle local, fondé sur le partage judiciaire simplifié, permet d’éviter le recours systématique au tribunal. Il repose sur une médiation pilotée par les notaires, avec un encadrement procédural allégé.

L’intérêt est de faire d'une pierre deux coups :

Ce dispositif est déjà considéré comme une réussite locale, en particulier dans la gestion des indivisions complexes et des héritiers silencieux ou inactifs. En élargissant l’expérimentation, le gouvernement espère mesurer les effets d’une généralisation possible à l’échelle nationale.

Les garanties apportées aux héritiers absents ou opposés

Le renforcement de la flexibilité dans la gestion des indivisions successorales pourrait susciter des inquiétudes légitimes quant à la protection des héritiers minoritaires ou absents. La proposition de loi tient compte de cette problématique et y ont été intégrées plusieurs garanties solides visant à préserver les droits de chacun, même en cas de désaccord ou d’inaccessibilité.

Un délai pour se manifester avant toute vente

Avant qu’une vente ne puisse être autorisée sans l’accord de tous les indivisaires, un délai de trois mois est prévu pour permettre aux héritiers silencieux de prendre connaissance du projet de vente et, s’ils le souhaitent, d’exprimer leur opposition. Ce préavis leur est notifié par voie officielle, ce qui assure leur information complète sur la procédure engagée.

Cela évite que des décisions lourdes de conséquences soient prises dans la précipitation, et garantit à chaque cohéritier la possibilité d’être partie prenante au processus.

proposition de loi indivision successorale – un dossier écrit notice et un marteau de justice
©bangoland - Shutterstock

La consignation des fonds pour les héritiers introuvables

Dans les cas où un héritier ne peut être localisé malgré des recherches sérieuses et documentées, le produit de la vente correspondant à sa part n’est pas redistribué aux autres cohéritiers. Il est au contraire placé sous séquestre, sur un compte sécurisé, jusqu’à ce que l’héritier soit retrouvé ou que sa succession soit régularisée.

Cela empêche tout enrichissement indu des autres indivisaires et préserve les droits patrimoniaux de la personne absente.

Le contrôle du juge comme ultime arbitre

Toutes les ventes engagées dans le cadre d’une indivision litigieuse ou d’une absence de majorité unanime sont soumises à l’autorisation d’un juge, qui joue un rôle fondamental de garant de l’équité :

Un principe : favoriser la médiation, éviter le conflit

Enfin, la réforme mise sur la conciliation via les notaires, plutôt que sur l’affrontement judiciaire. En particulier dans les départements expérimentant le droit alsacien-mosellan comme mentionné plus haut, les notaires disposeront de moyens accrus pour faciliter les accords amiables et désamorcer les tensions. Une philosophie fondée sur le dialogue et la responsabilité partagée, qui peut apaiser bien des conflits familiaux.

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