Exonération des droits de succession et donation : un levier pour relancer l’immobilier neuf ?
SOMMAIRE
- Succession et donation, le cadre de la proposition d’exonération
- Modalités pratiques
- Une inspiration Balladurienne
- Pourquoi une mesure temporaire ?
- Les avantages et enjeux économiques
- Un bénéfice non négligeable pour les particuliers
- Un coup de pouce pour le secteur immobilier
- Un avantage fiscal à effet différé pour l’État
- Des conditions nécessaires à l’équilibre
- L’exonération des droits de succession est-elle viable ?
- Quel impact économique ?
- Pour quels ménages ?
La crise actuelle du marché immobilier neuf en France pousse les pouvoirs publics à envisager des solutions inédites pour relancer ce secteur en difficulté. Parmi les pistes avancées dans le cadre du projet de loi de finances pour 2025 (PLF 2025), une proposition retient particulièrement l’attention : l’exonération des droits de succession et donation pour l’achat d’un logement neuf.
Soutenue par des parlementaires et la ministre du Logement, Valérie Létard, cette mesure a pour but de relancer les investissements dans l’immobilier neuf en facilitant la transmission de patrimoine aux générations futures.
Alors que les ventes de logements neufs ont grandement reculé cette dernière année, cette exonération pourrait offrir le coup de pouce dont ce marché en pleine tourmente a besoin. Entre stimulation économique et considérations fiscales, cette initiative soulève néanmoins des interrogations sur son impact à long terme.
Succession et donation, le cadre de la proposition d’exonération
La proposition d’exonération des droits de succession et donation pour l’achat d'un logement neuf trouve son origine dans un amendement défendu par François Jolivet, député du groupe Horizons, avec le soutien affiché de Valérie Létard, ministre du Logement. Bien qu’elle ne figure pas directement dans le texte initial du projet de loi de finances pour 2025, cette mesure sera discutée et introduite lors des débats parlementaires sous forme d’amendement.
Cette initiative a un double objectif : encourager les ménages à investir dans des logements neufs et revitaliser un secteur en perte de vitesse. La FPI, qui milite depuis des années pour une telle exonération, y voit une opportunité de redynamiser la construction en rendant l’acquisition d’un bien neuf plus attrayante et avantageuse pour la transmission familiale.
Modalités pratiques
Si elle est adoptée, cette mesure s’appliquerait à compter du 1er janvier 2025 pour une période de 18 mois. Pendant cette fenêtre, les acheteurs de logements neufs verraient leurs biens exonérés de droits de succession au moment de leur transmission. De même, un logement donné à des héritiers avant le décès du propriétaire serait exempt de droits de donation.
L’exonération prévue pourrait atteindre jusqu’à 150 000 euros par donateur et par bénéficiaire, soit un total de 600 000 euros pour un couple transmettant un bien à deux enfants. Cependant, cette mesure s’accompagne de conditions strictes pour garantir son ciblage :
- Le logement doit être utilisé comme résidence principale, que ce soit par le propriétaire, ses héritiers ou un locataire.
- En cas de location, les loyers et les revenus du locataire doivent respecter les plafonds en vigueur, similaires à ceux du dispositif Pinel.
Une inspiration Balladurienne
L’idée d’exonérer les droits de succession ou de donation pour l’immobilier neuf n’est pas nouvelle. En 1993, le gouvernement Balladur avait déjà instauré une mesure similaire en réponse à une crise immobilière majeure. La loi de finances rectificative pour cette année avait permis d’exonérer les droits pour les logements neufs acquis entre le 1er juin 1993 et le 1er septembre 1994. Cependant, cette exonération était conditionnée à l’occupation du bien en tant que résidence principale pendant au moins cinq ans.
Cette mesure avait rencontré un certain succès à court terme, en encourageant les transactions immobilières et en aidant à stabiliser un secteur en difficulté. Aujourd’hui, les promoteurs immobiliers et décideurs s’inspirent de cette expérience pour proposer une solution adaptée aux défis actuels.
Pourquoi une mesure temporaire ?
Tout comme dans les années 1990, le caractère temporaire de la mesure proposée en 2025 est central à sa conception. Limiter l’exonération à une période de 18 mois permet de créer un effet d’urgence incitant les ménages à agir rapidement. C’est une réponse immédiate à la crise que subit le logement, et plus particulièrement le neuf, depuis de longs mois maintenant. En parallèle, cela limite l’impact budgétaire à long terme pour l’État.
Ce format a aussi pour objectif de répondre aux critiques potentielles sur les coûts fiscaux : la perte de recettes liée à l’exonération serait compensée par des rentrées immédiates de TVA à 20 % sur les achats de logements neufs, un avantage direct pour les finances publiques. Ainsi, la mesure vise à concilier stimulation économique et gestion prudente des dépenses publiques.
En reprenant un modèle qui a fait ses preuves puis en l’adaptant aux réalités actuelles, cette exonération cherche à combiner efficacité et soutenabilité.
Les avantages et enjeux économiques
Un bénéfice non négligeable pour les particuliers
L’exonération des droits de succession et de donation représente une opportunité unique pour les familles désireuses de sécuriser et de valoriser leur patrimoine. Elle permettrait une réduction significative des frais liés à la transmission de biens immobiliers, un point essentiel dans un contexte où ces coûts sont souvent perçus comme un frein à la gestion intergénérationnelle du patrimoine.
Pour un couple transmettant un logement neuf à deux enfants, l’exonération pourrait atteindre 600 000 euros, un avantage très important. Cette mesure rend donc l'investissement dans l'immobilier neuf beaucoup plus attractif, particulièrement pour les ménages envisageant de préparer leur succession ou de faciliter l’installation de leurs descendants.
Un coup de pouce pour le secteur immobilier
En proie à une baisse des ventes et des constructions, le marché de l’immobilier neuf est l’un des plus touchés par les récentes crises économiques et financières : -21,8% de ventes nettes au détail au S1 2024 par rapport à 2023 selon le rapport de la FPI le rapport de la FPI.
La mesure d’exonération met du baume au cœur des promoteurs, qui espèrent que celle-ci viendra renforcer la demande, incitant davantage de particuliers à se tourner vers l’achat de logements neufs. Et c’est ce qui, en toute logique, devrait se passer si le texte est adopté dans la loi de Finances pour 2025.
En stimulant les transactions, cela pourrait relancer des projets de construction aujourd’hui au point mort. Ce dynamisme attendu dans le secteur bénéficierait non seulement aux promoteurs mais aussi à toute une chaîne d’acteurs économiques affaiblis, des artisans aux entreprises de BTP.
Un avantage fiscal à effet différé pour l’État
Bien que l’exonération représente un manque à gagner futur pour les finances publiques, son impact budgétaire est conçu pour être atténué à long terme. Les droits de succession ou de donation exonérés n’auraient été perçus que dans plusieurs décennies, au moment des transmissions, alors que les recettes issues de la TVA sur les transactions seront immédiatement disponibles.
Ce mécanisme permet à l’État de bénéficier rapidement de ressources fiscales et de renforcer les flux d’investissement dans l’immobilier neuf. C’est une stratégie gagnante à court terme, même si elle soulève des interrogations sur la pérennité des finances publiques dans les décennies à venir.
Des conditions nécessaires à l’équilibre
Pour garantir que cette mesure profite à ceux qui en ont le plus besoin et évite les effets d’aubaine, des conditions ont été mises en place, notamment l’obligation de faire du logement une résidence principale ou de respecter les plafonds de loyers et de ressources en cas de location. Ainsi, cela permet de cibler les ménages modestes ou moyens, et d’empêcher une concentration excessive des avantages sur les foyers les plus aisés.
L’exonération des droits de succession est-elle viable ?
Quel impact économique ?
Bien que séduisante sur le papier, la mesure d’exonération des droits de succession et donation pour l’immobilier neuf donne lieu à certaines interrogations sur son impact économique à long terme. Certains experts soulignent que cette initiative pourrait entraîner un coût fiscal élevé pour l’État, en réduisant les recettes issues des droits de transmission, pourtant essentielles au financement des politiques publiques.
Par ailleurs, le caractère temporaire de la mesure pourrait limiter son efficacité. Si elle génère un effet d’urgence bénéfique pour le marché dans les 18 mois suivant sa mise en place, il est à craindre que son expiration crée un effet inverse, avec un ralentissement soudain des transactions après sa fin. La question est : le jeu en vaut-il la chandelle ?
Pour quels ménages ?
Un autre point de débat concerne l’accessibilité de cette exonération. Les conditions d’éligibilité, bien que nécessaires pour encadrer la mesure, pourraient exclure certains ménages. En exigeant que le logement soit une résidence principale ou respecte des plafonds stricts en cas de location, la mesure risque de ne pas s’appliquer aux familles aux revenus modestes ne pouvant pas investir dans un logement neuf, ou à celles qui ne répondent pas aux critères du dispositif Pinel.
D’un autre côté, certains estiment que cette exonération pourrait surtout profiter aux ménages aisés, déjà capables d’acquérir des logements neufs, et renforcer ainsi les inégalités patrimoniales.
En outre, des parlementaires s’interrogent sur la pertinence d’une mesure limitée à l’immobilier neuf. Une proposition élargie à d’autres types de logements pourrait, selon eux, avoir un impact plus significatif sur le marché global et sur l’accès au logement.
Du reste, il faut garder à l’esprit que la mesure n’est pas encore officiellement votée. L’amendement a été déposé au PLF 2025 mais pour le moment nous n’avons encore aucune certitude quant à la forme que prendra le texte final.
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