François Bayrou à Matignon : quel avenir pour le logement ?
SOMMAIRE
- Un maire bâtisseur
- Une position exigeante vis-à-vis des professionnels de l’immobilier
- Un défi économique national
- Un leadership indépendant mais attentif
- Ses propositions passées sur le logement
- Un « droit au logement » érigé en objectif national
- Logements sociaux : une part obligatoire dans tous les projets immobiliers
- Des outils de régulation : observatoire des loyers et cohésion sociale
- Une vision locale et graduelle
- Qui sera à la tête du ministère du Logement ?
- Un défi pour le mandat à venir
Le 13 décembre 2024, François Bayrou a été nommé Premier ministre par Emmanuel Macron et succède donc à Michel Barnier. Alors que plusieurs réformes se précisaient quant à l’avenir du logement, la formation d’un nouveau gouvernement pourrait à nouveau rebattre les cartes pour l’année 2025. Qui nommera-t-il pour succéder à Valérie Létard et comment abordera-t-il la question immobilière au vu de ses prises de position passées ? Éléments de réponse dans cet article.
Un maire bâtisseur
Maire de Pau, François Bayrou n’a pas hésité à faire de sa ville un laboratoire urbain. Cette commune pyrénéenne endormie depuis plusieurs décennies, est aujourd’hui une ville qui attire les entreprises et les commerces, grâce à la réurbanisation de quartiers en déshérence. Pour attirer les investisseurs, celui qui est encore maire de la commune a d’ailleurs obtenu l’éligibilité du Château d’Henri IV au dispositif Malraux.
À Pau, il a dû répondre aux problématiques d’un quartier comme l’Ousse des Bois, conjuguant rénovation urbaine, lutte contre le logement indigne et sécurité. Sa gestion locale a multiplié les accords avec des opérateurs comme Habitat et Humanisme, créant des dispositifs d’hébergement d’urgence tels que les maisons relais.
Sous sa gouvernance, l’office public HLM municipal s’est distingué par son dynamisme : construction de nouveaux logements, modernisation du patrimoine, promotion de l’accession à la propriété et innovation foncière avec des dispositifs comme le bail réel solidaire. Dès son arrivée à la mairie, Bayrou avait également initié un inventaire précis du patrimoine municipal, procédant à la cession de biens inutilisés pour réinvestir dans le logement. Une stratégie pragmatique qui pourrait inspirer des politiques nationales.
Une position exigeante vis-à-vis des professionnels de l’immobilier
Si François Bayrou partage certains points de vue avec Emmanuel Macron, notamment sur la suppression de la taxe d’habitation qu’il considère comme une mesure de justice, il n’hésite pas à adopter un regard critique sur les professionnels de l’immobilier. Il attend d’eux des garanties de qualité, de l’innovation et une maîtrise des coûts, qualités qu’il a exigées dans les projets de son territoire.
Cependant, le maire de Pau n’est pas exempt de contradictions. Malgré son soutien à la suppression de la taxe d’habitation, il a significativement augmenté la taxe foncière dans sa commune, reconnaissant implicitement les effets budgétaires de cette réforme sur les finances locales.
Un défi économique national
La France, récemment dégradée par l’agence de notation Moody’s, se trouve face à un enjeu économique majeur. Le logement, générateur de richesse immédiate, pourrait devenir un levier crucial pour François Bayrou, s’il choisit de privilégier des politiques incitatives plutôt que la surfiscalisation. Les experts s’accordent à dire que le logement est un secteur stratégique, tant pour soutenir l’activité que pour répondre aux besoins sociaux.
Un leadership indépendant mais attentif
Le défi qui attend François Bayrou s'annonce colossal. Comparé à une ascension de l’Himalaya par ses confrères, ce chantier nécessitera une capacité d’écoute attentive des corps intermédiaires et la construction d’alliances solides, tout en préservant l’indépendance qui caractérise son parcours politique. Reconnu pour sa capacité à concilier des points de vue divergents, Bayrou s’appuie sur son pragmatisme et une vision résolument tournée vers le long terme.
Sa mission consistera à trouver un équilibre subtil entre justice sociale, relance économique et innovation. Les attentes sont grandes, tant du côté des professionnels du logement que des ménages en quête de solutions adaptées. Mais si les défis sont vertigineux, François Bayrou, habitué des arènes politiques les plus complexes, sait que gravir de tels sommets nécessite des partenaires solides et une stratégie minutieusement élaborée.
Ses propositions passées sur le logement
Si le nouveau Premier ministre n’est pas considéré comme un spécialiste de la question du logement, il n’avait pas hésité, au cours de sa vie politique, à prendre position sur la nécessité d’une politique du logement accessible.
Un « droit au logement » érigé en objectif national
Dès 2006, lors d’un colloque organisé par l’UDF, François Bayrou avait insisté sur l’importance de garantir un logement abordable pour les classes moyennes et populaires, notamment dans les zones tendues comme les grandes métropoles. Il avait alors qualifié le droit au logement de « véritable objectif national ».
Cette approche marque un souci d’équité sociale et pourrait se traduire par des mesures visant à réduire les inégalités d’accès au logement, particulièrement dans les grandes villes où la pression immobilière exclut une partie croissante de la population.
Logements sociaux : une part obligatoire dans tous les projets immobiliers
François Bayrou a régulièrement prôné une politique ambitieuse en matière de logements sociaux. Lors de ce même colloque en 2006, il avait proposé que 25 % de la surface de tous les projets immobiliers dépassant une certaine taille soient réservés au logement social, avec une part destinée aux logements très sociaux.
Il a également plaidé pour une mixité sociale renforcée, proposant que les HLM incluent des logements accessibles sans conditions de revenus, afin de favoriser la diversité dans les quartiers en difficulté. Cette vision, axée sur une meilleure répartition des populations, pourrait trouver un écho dans les débats actuels sur la ghettoïsation de certains territoires.
Des outils de régulation : observatoire des loyers et cohésion sociale
En 2012, lors de sa campagne présidentielle, François Bayrou avait suggéré des mesures concrètes pour réguler le marché locatif. Il avait proposé la création d’un observatoire des loyers, permettant de définir des loyers de référence par zone, opposables et transparents. Cette idée s’inscrit dans une logique de régulation pour éviter les abus dans les zones où la demande dépasse largement l’offre.
Il avait également avancé la nomination de préfets de la cohésion sociale et du logement, chargés de coordonner les initiatives locales et de renforcer l’efficacité des politiques publiques sur ce sujet.
Une vision locale et graduelle
En tant que maire de Pau, François Bayrou a mis en œuvre des initiatives concrètes pour le logement, privilégiant des solutions adaptées aux spécificités locales. Cependant, il a souvent été critiqué pour un manque d’audace et l’absence de réformes structurelles à l’échelle nationale.
Qui sera à la tête du ministère du Logement ?
Quatre ministres du Logement se sont succédés ces deux dernières années. Valérie Létard, dernière en date, avait pourtant su convaincre les acteurs de la filière et leur redonner espoir. Nommée en septembre dernier, la ministre du gouvernement démissionnaire pourrait bien revenir sur le devant de la scène.
Députée UDI avant sa nomination, elle partage la même sensibilité sociale que François Bayrou, alimentant les appels à sa reconduction au gouvernement. Elle a en effet porté des mesures clés, comme l’élargissement du PTZ à tout le territoire, ainsi que l’exonération des droits de mutation sur les donations familiales pour financer l’achat d’un logement neuf. Ces initiatives ont toutefois été interrompues par la censure du gouvernement Barnier.
Les professionnels du secteur immobilier appellent à une stabilité gouvernementale après la fin de quatre ministres du Logement en deux ans. Loïc Cantin, président de la Fnaim, et Cécile Duflot, ancienne ministre, soulignent la nécessité d'un ministère du Logement de plein exercice, dirigé par une personnalité consensuelle et compétente comme Valérie Létard, pour garantir des orientations claires et durables dans ce secteur stratégique
.
Le futur gouvernement Bayrou devra ainsi répondre aux attentes d’un secteur en quête de visibilité et reprendre les réformes interrompues, notamment dans le cadre du projet de loi de finances pour 2025.
Un défi pour le mandat à venir
Si François Bayrou s’est illustré par des propositions concrètes et progressives, l’ampleur des défis actuels – crise du logement, inflation, pression foncière – exigera des réponses fortes et rapides. Il lui faudra transformer ses idées en actions ambitieuses, avec des moyens budgétaires clairs et un plan d’exécution précis.
En tant que Premier Ministre, François Bayrou est attendu au tournant sur cette thématique clé, dont les enjeux sociaux et économiques restent centraux pour les Français.
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