Troubles et incertitudes autour de Figuerolles à Montpellier

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le 30 décembre 2019

[ mis à jour le 23 janvier 2023 ]

SOMMAIRE

Selon certains riverains, Figuerolles, à Montpellier, est en phase de perdre son authenticité. Un projet immobilier vient susciter la colère des habitants du quartier, qui ont créé un collectif « Figuerolles en Friche » pour obtenir l’annulation du permis de construire.

Ce ne sont pas moins de 137 logements et 151 places de parking qui doivent être bâtis. Mais si cette construction se fait, elle signera la destruction du lieu emblématique de Figuerolles, « La Friche de Mimi », un lieu culturel ouvert dans les années 90 dans les locaux d’une ancienne scierie, et l’un des cœurs battants de la culture associative et artistique montpelliéraine depuis.

Très attachés à ce lieu ainsi qu’à l’architecture de leur quartier, les riverains mènent un combat quotidien pour l’annulation du permis de construire accordé par la mairie de Montpellier. Les défenseurs de la friche souhaiteraient que la municipalité fasse jouer son droit de préemption urbain pour sauver ce lieu, comme elle a pu en sauver d’autres.

Une opération immobilière privée

Ce projet immobilier neuf à Montpellier , validé par la municipalité, prévoit la construction de quatre bâtiments. Ils regrouperaient 137 logements, dont 26 dédiés à l'accession sociale. Le restant serait en accession libre à la propriété. En plus de ce volet résidentiel, le programme prévoit 248m² de surface dédiée à des locaux d'activité.

Au total, ce sont 4.448m² de surface qui doivent être réaménagés. L’ensemble du projet comprend également deux niveaux de parkings enterrés, totalisant 151 places de stationnement. Ils seront accessibles par une voie intérieure percée dans l'îlot.

La Ville de Montpellier, montrée du doigt par le collectif « Figuerolles en Friche » pour sa responsabilité dans ce projet, souligne qu’il s’agit d’un projet immobilier privé. Étant donné que la vente du terrain s’est déroulée selon les procédures légales, et que le permis de construire respecte le cahier des charges, la mairie ne s’est pas opposée à la construction de cette opération immobilière.

« Si quelqu'un veut vendre son terrain, s'il le fait de façon tout à fait légale, avec un permis de construire qui est dans les clous de ce qui est demandé dans les cahiers des charges, il n'y a pas de raison de refuser. »
Isabelle Marsala, adjointe à la culture.

Par ailleurs, la mairie argue qu'elle ne peut pas acheter tous les terrains. Il y a six mois, elle a rénové La Chapelle Gély afin de préserver les associations culturelles et l’activité des artistes. Proche du quartier de Figuerolles, cette chapelle accueillera plusieurs événements culturels.

Un recours gracieux demande l'annulation du permis de construire

En juillet 2018, un collectif nommé « Figuerolles en Friche » (FIEF) s’est constitué. Depuis, ses 50 membres mènent une lutte quotidienne pour obtenir l’annulation du permis de construire accordé par la mairie. Un recours gracieux a été déposé. Le vendredi 11 janvier dernier, le collectif a pu présenter sa démarche et ses contre-projets. Dénonçant l’absence de concertation, le collectif espère, au travers de ce recours, faire prendre conscience aux élus de la nécessité de réévaluer cette opération pour en faire un projet culturel et écologique. Il se pourrait que la Ville entende ce point de vue. En effet, Montpellier vient de donner des “permis de végétaliser” pour embellir l’environnement des Montpelliérains, ce qui témoigne de son implication dans le développement de l'écologie en ville, et de sa potentielle sensibilité à cette proposition. Une démarche en faveur du développement durable entamée par Montpellier qui se met à la construction en bois.

Un lieu culturel en péril

Ce lieu est implanté dans une ancienne scierie, située tout près du centre-ville, qui a fermé dans le courant des années 90. Mimi Vergne a alors racheté le lieu, et investi l’ancien hangar industriel pour le transformer en un espace artistique, aménagé de bric et de broc, arboré et vivant. La mécène a choisi d’y accueillir pendant une vingtaine d’années, pour des loyers très amicaux, la compagnie de la Rampe, le théâtre de La Vista, l’association de gestion culturelle ARDEC et la radio Lenga d’Oc, entre autres.

À l’époque, la « friche » regroupait huit structures et une vingtaine de personnes issues de la danse, du théâtre, de la comédie, de la vidéo et de la peinture, qui sont venues profiter de la dynamique culturelle impulsée par Mimi. Depuis lors, le lieu a vécu au rythme des évènements culturels et artistiques, sur la modalité du partage, de l’inclusion, de la diversité et de l’audace.

Pourquoi le lieu est-il vendu ?

Vendredi 7 décembre sur la place Salengro, à Figuerolles, un cercle spontané de discussions s’est formé autour des tables du collectif « Figuerolles en friche ». Pendant deux heures, une trentaine de personnes, riverains ou simples passants, sont venus échanger autour du devenir de la friche de Mimi.

Le fils de Mimi Vergnes, âgé de 75 ans, est venu expliquer aux opposants sa décision de vendre le site. En jeu, principalement des problèmes de fiscalité trop lourde liée à la succession. Mais voilà qui ne suffira pas à calmer les voix qui veulent voir survivre le lieu.

Car en de pareils cas, la mairie a tout son rôle, c’est là l’argument majeur des contestataires.

Le droit de préemption urbain et le devoir de concertation

« Le propriétaire d'un bien situé dans une zone définie par une collectivité en vue de la réalisation d'opérations d'aménagement urbain doit, en priorité, proposer la vente du bien à cette collectivité. C'est ce que l'on appelle le droit de préemption. » Ainsi est-il défini sur le site de référence gouvernemental, Service-Public.fr. Ce droit permet l’orientation des projets de construction dans le sens des intérêts collectifs.

Or la note de renseignements d'urbanisme (un document qui précise, pour une parcelle, la nature des dispositions d'urbanisme applicables au terrain, les droits de préemption éventuels, la nature des servitudes d'utilité publique, etc) de la parcelle en question révèle ceci :

Ces éléments signifient deux choses. La première : la Ville disposait d’un droit de préemption renforcé sur le secteur, ce qui signifie qu’elle y a renoncé d’emblée et sans chercher à le faire valoir du tout, puisqu’elle aurait eu sinon une priorité totale pour le rachat de cette parcelle. La seconde : le secteur étant compris dans le périmètre d’aménagement Nouveau Grand Cœur de l’agglomération, il devrait bénéficier des ambitions de cette opération, à savoir « protéger, mettre en valeur et dynamiser le patrimoine historique, le cadre bâti et l'espace public du quartier centre », comme le détaille la ville de Montpellier sur son site.

C’est d’ailleurs ce qu’a rappelé une urbaniste montpelliéraine présente plus tard dans la soirée du 7 décembre à la réunion à la Carmagnole.

« Figuerolles est quartier prioritaire dans le cadre du contrat de politique de la Ville. Cela donne aux intervenants publics, mairie en tête, des moyens d’intervention considérablement amplifiés »
Une urbaniste intervenue à la réunion de soutien à la « friche » organisée par le collectif « Figuerolles en friche »

« L'occasion de recoudre ces espaces publics »

Comme l’experte l’a d’ailleurs également souligné, il serait sans doute très positif que la municipalité s’empare de la question du devenir du secteur, qui offre effectivement une belle réserve de foncier exploitable et pour l’instant véritablement laissé à l’abandon dans les plans d’aménagement. Cette zone, pourtant inscrite en plein cœur de ville, demanderait avant tout de faire l’objet d’une concertation, qui permette de définir un plan d’aménagement global, intéressé à ses usages présents, et à ses potentiels futurs.

Car ce que reprochent prioritairement les opposants au projet à la Ville, c’est son absence totale de consultation des habitants et/ou des urbanistes et aménageurs en amont de la décision de délivrance du permis de construire. En effet, même si cette résidence se construit, la question de son inscription dans le quartier, et des aménagements nécessaires à engager sur le secteurs, demeure un point irrésolu.

« L’avenue de la liberté n’est qu’une ancienne voie ferrée reconvertie à la hâte pour le tout automobile. Les projets sur le site Vergnes, ou MSA ensuite, qui bordent cette voie, devraient être l’occasion de recoudre ces espaces publics, qu’on traverse en fonçant au volant, sans remarquer un désordre de talus, de petites friches, de recoins morts, de passages piétons hasardeux et de rues coupées »
Une urbaniste intervenue à la réunion de soutien à la « friche » organisée par le collectif « Figuerolles en friche »

Les inquiétudes multiples des riverains

En fait, il semble que les habitants s'inquiètent assez globalement du devenir de leur quartier. Avec l’arrivée de ce projet, ils craignent :

« On va avoir deux bâtiments très grands de part et d'autre, qui vont détruire l'unité architecturale du quartier de Figuerolles. »
Véronique, habitante du quartier de Figuerolles..

Mais ce qui peine le plus les riverains, c’est la disparition du lieu de convivialité et de création culturelle et artistique, lieu emblématique et symbole du quartier.

« Je trouve que c'est un scandale : détruire des lieux qui ont une histoire, qui seraient propices à être des lieux culturels et de regroupement. »
Florelle, habitante du quartier de Figuerolles

Le futur de la friche restera pour l’instant suspendu aux résultats de l'instruction du recours contre le permis de construire, qui nous dira si Montpellier a préféré conserver ce lieu ou laisser le champ libre à ce projet résidentiel.

Teaser la Friche de mimi from aletheia on Vimeo.

SOURCES
  • « Projet immobilier à Montpellier : un collectif pour sauver La Friche à Mimi » , par Jean-Marc Aubert - e- Métropolitain, 16/01/2019
  • « Montpellier : un gros projet immobilier attaqué au cœur de Figuerolles » - Midi Libre, 09/01/2019
  • « Montpellier quartier Figuerolles : la Friche à Mimi menacée par un gros projet immobilier », par Gérard Mayen - Le Poing.net, 09/12/2018
  • « La Friche de Mimi, une colocation artistique », par Jonathan Parienté - Blog – Le Monde.fr, 07/06/2012
  • « Renseignements d’urbanisme » - Définition - Montpellier.fr
  • « Renseignements d’urbanisme sur la parcelle n°42 rue Adam de Craponne » - Montpellier.fr
  • « Grand Cœur – Centre » - Les objectifs de l’opération - Montpellier.fr
  • « Droit de préemption urbain (DPU) » - Définition - Service-Public.fr
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